Anticipations

Anticipation 1

la dernière nuit en ces murs car demain je déménage et cette dernière nuit sera telle les 1056 précédentes à quelques unités près j’y dormirai seul m’endormirai tard me masturberai 2 fois au coucher 1 fois au soleil sans grand plaisir mais ça occupe
entre autres les mains
je ne rêverai pas j’y respirerai mal
réveillé en sueur
sans doute mal au crâne
avant le changement de décor mais le décor ne me changera pas je me connais
je me connais minimum

je dresserai la liste des personnes que j’ai baisées
de celles qui m’ont baisé en ces murs
serai surpris du résultat
tant que ça malgré ma gueule étrange
tant que ça je me suis pourtant senti si seul et si souvent combien de fois ai-je voulu mourir ici
et fatigué je stopperai les comptes
j’essayerai d’éviter les larmes
le pathétique

tous mes brouillons accrochés au mur
les futurs locataires referont les peintures
je fus sale sans m’en rendre compte
sans l’avoir décidé
il ne restera rien de moi une fois la chasse d’eau réparée

les heures passées à noircir du papier et celles où je buvais en attendant un coup de fil qui n’arrivait que lorsque j’étais incapable de décrocher de prononcer la moindre parole de bienvenue et je pleurais souvent en réécoutant vos messages mais le jour suivant je rappelais à jeun et vous ne vous doutiez de rien comme vous aviez de la chance il m’arrivait d’être jaloux il m’arrivait d’être jaloux parfois

la dernière nuit en ces murs sera la plus alcoolisée sinon ça ne compte pas
sinon je penserai à toi
que j’ai quittée pour échouer ici
j’ai mieux à faire je crois

Paris, juin 2000

Anticipation 2

les cartons virés ici subsistent une rame de papiers trois stylos plus la radio un matelas mes vêtements quatre jours à tenir encore dans ce décor ce n’est pas gagné mais j’ai à boire
bière et vodka
olives vertes
le frigo dégivré
le double des clés
le téléphone coupé vendredi juste avant l’électricité

trois ans dans le même appartement cela ne m’était jamais arrivé alors forcément on s’attache on crée des liens dans le quartier il passe quelques amantes on s’encroûte aussi il arrive qu’on s’ennuie je tourne en rond qu’on se réveille en pleurs plus ce dont je n’ose parler les draps couverts de sang les ongles noirs je suis déçu recommencer

je n’ai pas soigné ma peau
je n’ai pas fait mes deuils
je n’ai pas aimé souvent
je n’ai pas appris à danser
je n’ai guère progressé dans l’échelle sociale
j’ai par contre beaucoup trop écrit rien publié
ailleurs cela pourra changer
il suffirait d’y croire
ailleurs j’apprendrai

il ne me reste plus un seul livre ou disque et je ne suis plus chez moi que sur le papier je n’ai pas payé le loyer il ne me reste plus qu’à dormir en attendant la fin sauf que dormir je n’y arrive pas
dormir je n’y arrive jamais quand il faudrait

Paris, juin 2000

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