Archives de catégorie : remix

poèmes écrits entre 1992 et 2001 et plus ou moins retravaillés

Deux heures AM

Il est deux heures dans la cuisine. J’y fume une cigarette, j’y bois un verre d’eau. C’est toutes les nuits pareil. Elle dort tournée contre le mur et, lassé d’attendre, je me lève sans bruit. Me déplace sans lumière. Ça dure une heure ou dix minutes, je réfléchis. La cour est moi sommes calmes. Je pense aux amis que je n’ai pas vus depuis des mois, je ne leur ai pas non plus donné de nouvelles. Il faudrait les appeler mais demain je n’y penserai pas, demain j’aurai mieux à faire. Ce n’est pas un problème d’habiter chez elle, de vivre à ses côtés. Ce n’est pas gênant de rêver la vie des femmes qui m’ont quitté. Et ce n’est pas grave le manque de sommeil.
Continuer la lecture de Deux heures AM

abécédaire (nouvelle)

ABDIQUER

La tentation est forte et ne cesse de grandir chaque jour, chaque nuit passée sans toi, la tentation s’obstine et m’obsède, comme un rap lourd, menaçant, un refrain bancal, des rimes approximatives, les basses résonnent et il ne sert à rien de lutter, la tentation est forte et moi je ne le suis pas mais alors pas du tout et ça ne va pas en s’arrangeant, bien au contraire. Les nuits s’allongent, je ne les aime pas. Elles sont froides, tristes. Elles sentent l’inutile. Les fins de mois ou de manifestation. Les contrôleurs SNCF en période de grève. À peine si elles existent mes nuits maintenant. Et les journées pareil sauf que le soleil y brille de temps en temps et c’est toujours ça de pris. Parfois même il réchauffe. Je m’allonge torse nu sur le plancher disjoint et ne m’endors pas et ne pense pas non plus. Je reste planté là, je n’ai rien de mieux à faire. Nul part où aller vraiment. Continuer la lecture de abécédaire (nouvelle)

Auchan

Une version courte a été publié sur ce blog ici : http://devierlestrajectoires.net/jevite-aujourdhui/

La vie. La vraie. Celle des supermarchés. Celle qu’on nous a promis. La vraie vie. Tu parles. Tu n’écoutes pas. Tu as peut-être raison. Tu as peut-être tort. Ça ne change rien. Pour personne. La vie dont on se moque à défaut de pleurer. Ne pas baisser les poings face à l’ennemi. Ne pas non plus baisser la tête. Les apparences et les formules de politesse. La vie dont on a rêvé mais ça ne se passe pas comme prévu. Manger travailler dormir et de temps à autre se prétendre amoureux. Continuer la lecture de Auchan

Traité politique de l’ivresse

L’ouverture

Je ne regarde pas à demain. Février 2000. Je ne regarde pas à grand-chose. Le froid acide. Sec. La fatigue. La fatigue est mon alliée. Je ne regarde pas. À quoi ça servirait ? Le temps est une denrée précieuse, les parents me l’ont souvent répété. Je regarde quelqu’un, je ne regarde qu’elle.

La jeune fille s’endort chez moi et je ne demande rien d’autre, je suis comblé presque. L’observer dormir, toute reposée. En silence. Noter la bouche entrouverte, le corps alangui. Pure élégance et je n’ironise pas. Noter les détails. Les ombres cutanées, les plis inhabituels. Les poids se répartissent différemment en nocturne. Échappent à la banalité. Aux leçons de maintien. Apprendre son corps par cœur. Pouvoir la dessiner les yeux fermés, la peindre. Ses jambes sont superbes nues et elle n’a pas fini son verre. Whisky pamplemousse, comme moi. Recouvrir d’un blouson ses jambes. Enregistrer les images afin de plus tard s’en servir. Recycler. On ne sait jamais, on ne peut jamais savoir, et nous ne vivions qu’au présent. Garder des traces. Tout s’achevait tellement vite alors. Mais nous ne le savions pas. La regarder ému. La regarder jusqu’à ne plus rien voir. Accommoder la vision fatigue, j’ai un verre à terminer d’abord. Plus le sien. J’ai l’habitude, elle s’endort souvent avant moi. Elle se soigne davantage. Quels que soient les rêves de la jeune fille endormie je l’aime plus que ma vie et mes bières. Mes alcools divers. Mes Gauloises roulées main. Mes accès d’inutile cafard. La regarder. Ne respirer que son odeur. Je ne la toucherai pas, je la respecte trop. Parce que je l’aime sans doute. Ce verbe est trop con, je l’aime à ma façon et le reste n’a aucune importance. Et aussi je préfère les garçons. Je ne regarde pas à demain, je regarde par la fenêtre maintenant.

Continuer la lecture de Traité politique de l’ivresse

N’importe quelle ville

La rue. La rue avec tous ses fantômes, avec toutes mes retrouvailles. La rue comme seul horizon, pour unique projet. La rue et ses trésors cachés. Tous les enchantements possibles, imaginables. La rue. La nuit. La rue la nuit est toujours plus belle, la chair y affleure davantage, les paroles y sont plus rares, plus vitales. La ville. N’importe quelle ville pourvu qu’elle soit européenne. N’importe quelle rue de cette ville. De hangars ou d’entrepôts, de taudis ou de luxe, blanche ou obscure, n’importe quelle rue. Une nuit parmi toutes les nuits à venir, les précédentes ne comptent pas, elles furent effacées, il n’en reste aucune trace. Nous ne sommes pas là pour le détail et revendiquons l’assassinat de l’anecdote, la destruction des particularismes. Il n’y a pas, il n’y a plus de différence entre ici et ailleurs, hier et demain, vos vies contre ma mort. Certains en doutent, d’autres contestent, ils voudraient en discuter, nous refusons de leur adresser la parole plus longtemps, ce serait la pire compromission qui soit. Et une inutile perte de temps, d’énergie. Continuer la lecture de N’importe quelle ville

Chili – Argentine – Vietnam

C’est au supermarché du coin que je m’en suis enfin rendu compte, il n’est jamais trop tard je pense, c’est mon côté optimiste dans l’âme, je tournais en rond mais vraiment depuis des mois et des mois et le temps passe bizarre, des grumeaux dans les coins, des espaces peu clairs et je finirai bien par me perdre, je finirai par ne plus pouvoir bouger, ne plus savoir quoi dire, et comment on lutte dans ces cas-là, comment il faut réagir, la tête hors de l’eau minimum, et de quoi respirer, si on agite les bras on s’enfonce plus encore, si on appelle au secours, les gens se sauvent rien vu rien entendu monsieur l’agent de toute façon c’est pas un gars de chez nous alors quoi, alors quoi faire, je n’en sais rien, je n’ai jamais rien su on dirait, rien qui puisse servir en tout cas, pas la moindre notion de l’utile, c’est mon côté pessimiste histoire d’équilibrer la balance au supermarché du coin. J’ai jeté un coup d’œil au ticket de caisse, Monoprix vous remercie de votre visite – Joyeuses Fêtes, deux cents trente balles, 09-12-1999, 16h56, j’apprécie la précision des caisses enregistreuses mais Joyeuses Fêtes ils exagèrent. 230 balles pour la semaine, raisonnable. Continuer la lecture de Chili – Argentine – Vietnam

Anticipations

Anticipation 1

la dernière nuit en ces murs car demain je déménage et cette dernière nuit sera telle les 1056 précédentes à quelques unités près j’y dormirai seul m’endormirai tard me masturberai 2 fois au coucher 1 fois au soleil sans grand plaisir mais ça occupe
entre autres les mains
je ne rêverai pas j’y respirerai mal
réveillé en sueur
sans doute mal au crâne
avant le changement de décor mais le décor ne me changera pas je me connais
je me connais minimum Continuer la lecture de Anticipations

Valérie le 27 mars 2000

Je m’use les yeux à tes courbes. Les prétextes n’ont pas manqué. Mes absences non plus. Tu t’en moques et j’aimerais savoir t’imiter. Cela dure 2 à 3 semaines où chaque jour je pense à toi. Te sachant proche. Cinquante mètres à peine. Première rue droite. Premier bar sur la gauche. M’interdisant de descendre boire. Et ce soir je craque pour ne regarder que ton corps jeune. Lisse. Tu ne t’en aperçois même pas. Tu me remarques à peine, plus transparent qu’abattu. Tu joues au baby-foot.

Quand j’entre dans le bar pour la première fois depuis x temps, tu te jettes à mon cou, réjouie, « tu nous as manqué, t’étais où ? », « j’étais ailleurs », puis tu disparais, et je ne t’entends plus de la soirée.Tu es adorable et je te regarde. Avec d’autres. Avec les autres. Je suis comme eux. Je ne vaux pas plus. Vider mon verre avant de partir. Le payer aussi. Continuer la lecture de Valérie le 27 mars 2000