Tromper ma femme

Rappel : seule la rubrique fatras de ce blog est autobiographique. Les textes des autres rubriques sont des réalités parfois personnelles et toujours alternatives…

1. Accroché

Je ne me suis pas longtemps posé la question quand elle m’a proposé de le faire. Il y a ma femme, mon gosse, la stabilité affective à laquelle je m’accroche pour rester entier. Et puis elle ne m’attire pas plus que ça. Son corps est correct, sans plus, et elle parle beaucoup trop. Elle attend, elle sourit. Reprend une gorgée de bière. Je bande bien entendu. Je souris à mon tour. Ce n’est même plus une question de morale. De principe. Si je devais tromper ma femme avec quelqu’un, je préférerais que ce soit avec une autre, avec Marion, avec Julie, je connais des jeunes femmes beaucoup plus attirantes.
Moins timide, moins inhibé, je poserais les bonnes questions avant de me décider : est-ce que tu suces ? est-ce que tu apprécies la sodomie ? Car enfin, quitte à tromper ma femme, autant que ce soit pour profiter de plaisirs qu’elle ne me procure peu ou pas. À quoi bon perdre son temps pour un missionnaire sous latex ?
– Alors ?
– Alors je suis crevé.
– Je peux me mettre dessus si tu veux.
– Tu as des capotes ?
– Bien sûr.
– Je vais payer les bières, j’arrive.
Elle s’accroche à mon bras dans la rue. Elle se tait. Je réfléchis. Ça y est, je vais franchir le pas. Glisser dans l’infidélité et ses scrupules petit-bourgeois, ses tourments minables, la culpabilité de bas étage. Tout ceci est ridicule. À quoi tu penses ? À ton cul ma chère. Ça la fait rire comme une môme et elle passe la main sur mon sexe. J’habite tout près…
Un deux pièces encombré de bibelots improbables et de meubles de récup, un lit avec une couette rose vif et des coussins partout, je déteste l’endroit et ne dis rien. Je te sers quelque chose ? Une bière, un Ricard ? Bière s’il te plait.
Je passe à la salle de bains, j’arrive. J’attends assis sur la couette rose, une Kronenbourg trop froide à la main. Il n’est pas tard. Je peux encore me lever et foutre le camp, retourner dans ma chambre d’hôtel et prétendre que cette scène n’a pas eu lieu. Il n’est pas trop tard. Je suis fatigué. Termine ma bière, enlève chaussures et chaussettes, m’allonge sur le lit et ferme les yeux. Je peux encore partir, je peux aussi m’endormir. J’ai le choix. L’eau coule dans la salle de bains, s’arrête, coule à nouveau.

2. Premier matin

Je passe à l’hôtel prendre une douche, récupérer mes affaires. M’allonge sur le lit et me masturbe en vitesse. Je jouis en moins d’une minute. Ce n’était pas mon premier choix mais elle sait s’y prendre. Elle n’oublie pas de fixer son partenaire tout en avalant le gland. Elle gémit de bon cœur et écarte les fesses avec naturel, sans appréhension. J’ai adoré lui lécher l’anus, la doigter, la pénétrer en lenteur. Et ne regrette évidemment rien.
Ce n’était pas si compliqué.
Au bureau, je me comporte comme d’habitude et quand elle me fait un clin d’œil en passant dire bonjour, je ne réagis pas. Elle aussi se comporte comme d’habitude. Pas d’e-mail pornographique, pas de texto, pas d’appel ni de sous-entendus. Comme si rien ne s’était passé. Ça me convient à merveille.
Et le soir à la maison, ma femme m’embrasse, j’embrasse le gamin et la vie suit son cours.

3. Et rien de plus

Ce pourrait être si j’avais de l’imagination le départ d’une histoire un peu sombre, un peu compliquée mais des milliers d’histoires de ce type ont déjà été commises et surtout je n’ai pas d’imagination. Quand je reste dormir à Rouen, nous baisons. Elle est partante et semble ne rien attendre de plus. Je ne lui raconte pas ma vie, je ne lui pose pas de question sur ses goûts ou son enfance. Un plan cul régulier. Avec ma femme, nous baisons plus souvent aussi. Peut-être aurais-je dû commencer plus tôt, je n’en sais rien.
Il n’y a pas de drame, pas de rebondissement spectaculaire. Juste des corps qui se donnent du plaisir à intervalles plus ou moins réguliers. Et c’est tellement banal qu’il n’y a rien, mais vraiment rien à ajouter.

Rouen, Paris, automne 2014

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