Je remontais vers le bois Lejuc en compagnie d’un jeune couple arrivé en stop de Berlin* et dont c’était la première venue en terre meusienne* et le jeune homme m’a demandé en anglais qu’elle était la force du mouvement anti-nucléaire en France et j’ai improvisé une réponse approximative dans la mesure où, en vrai, je n’en sais à peu près rien. Je sais ce qui se passe à Bure depuis l’été 2016 et je sais pourquoi je suis ici en août 2017, ce n’est pas si mal. Et j’ai pensé à Bruno*, un pote d’une assemblée de quartier dans le nord-est parisien* qui, un an plus tôt, me disait que la loi travail, il s’en foutait complètement. Que Nuit debout, le cortège de tête, les assemblées et collectifs de quartier, ça allait bien au-delà de la loi travail, que cette loi n’était qu’un prétexte pour lutter en créant et en densifiant des réseaux de résistance locaux. De fait, si je suis à Bure avec ces jeunes venus de Berlin*, c’est grâce à Nuit debout. J’y ai retrouvé le goût de la lutte, j’ai repris le chemin des manifs et découvert la joie et la rage du cortège de tête. Je me suis investi dans des assemblées de quartier et dans l’une d’elles, j’ai rencontré Jean-Pierre. Et c’est en partie grâce à lui que je suis – enfin – allé à Notre-Dame-des-Landes. Et à Bure.
Archives de catégorie : politique
Cortège de tête (mars – septembre 2016)
Il fallait être à Paris je crois. Les personnes à qui j’en cause et qui étaient ailleurs sont toujours étonnées de ce que je raconte. Qu’il s’agisse de l’ampleur de ce phénomène, le cortège de tête n’ayant cessé de grossir manif après manif, ou des innombrables provocations et violences policières qui ont rendu ce cortège de tête de plus en plus offensif et auto-organisé. Il fallait être à Paris, passer devant les orgas, les syndicats et leurs services d’ordre dégueulasses, les ballons, les camionnettes qui crachotent Trust – oui, en 2016, Antisocial, et pourquoi pas Un autre monde tant que vous y êtes… – ou l’atroce C’est dans la rue que ça s’passe, contourner les grandes gueules qui braillent depuis des décennies les mêmes slogans moisis, Tout est à nous, rien n’est à eux, gna gna gna, il fallait aller devant, au niveau des rangées de flics, de gendarmes, de CRS, il fallait aller vers les nuages de lacrymos. Et on y était. Et c’était beau.
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#NiPatrieNiPatron, épisode 3
C’est rigolo comme c’est retombé l’appel à lutter contre le fascisme, les textes indignés sur facebook t’expliquant qu’il faut faire barrage à l’extrême-droite là tout de suite maintenant en allant déposer un petit bulletin Macron dans l’urne, que la démocratie est en danger et qu’il faut convaincre tout le monde, tes ami.e.s, tes amant.e.s, tes voisin.e.s, ton boulanger, la caissière du Casino, tes parents, tes enfants, tout le monde doit se mobiliser et sauver la patrie des droits de l’homme (oui, il est encore des personnes pour employer cette expression aujourd’hui), et c’est retombé d’un coup. On est sauvé je pense. C’est super. On a un nouveau chef, il est plus jeune que les précédents, souriant, il a du fric, il va réussir c’est évident, vaincre le chômage, la bête immonde et les aléas climatiques avec ses dents blanches et ses jolis costumes. Le néolibéralisme a gagné, le fascisme ne peut que se renforcer.
#NiPatrieNiPatron, épisode 2
C’est un peu pénible à lire donc je ne les lis pas mais rien que de les voir passer jours et nuits c’est pénible, tous ces statuts facebook, tous ces éditos, toutes ces déclarations, ces slogans, ils se ressemblent tous, ils jouent tous la carte du chantage et de l’émotion, ils puent la morale et les bons sentiments, c’est Oui-oui vote aux présidentielles, ou Martine, comme vous voudrez, et c’est quand même super lourd, c’est à peu près aussi lourd que cette phrase est longue et encore, je me retiens, quand j’ai commencé à écrire je pouvais faire des phrases sans ponctuation qui courraient sur des cinq ou dix pages, je pense que c’est à cause de Bleu comme l’enfer de Djian mais bon, c’est une autre et ancienne histoire.
#NiPatrieNiPatron, épisode 1
En 2002 je ne votais déjà pas, je n’étais pas inscrit déjà et franchement, l’élimination de Jospin au premier tour, ça m’avait fait plutôt plaisir. Je n’avais fait aucune des manifs appelant à voter Chirac, pardon, à « faire barrage contre l’extrême-droite » et « la jeunesse emmerde le front national* » et « F comme fasciste et N comme nazi » et blablabla. J’avais été à la manif du premier mai et le nombre de drapeaux tricolores et d’ahuri.e.s braillant la marseillaise m’avait fait repartir très vite. Et on connaît la suite : Super Menteur élu avec 82% des suffrages exprimés et une bonne grosse politique de droite derrière. Bien. Quinze ans plus tard, ça donne quoi ? Je la fais rapide parce que ça ne mérite pas non plus d’y passer des heures tout ça. Un banquier d’affaire ultra-libéral, une réactionnaire xénophobe. Et les injonctions commencent…
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Printemps – été 2016, lexique – deuxième partie
Ceci est un prolongement. Une première tentative a été mise en ligne ici-même en décembre dernier. Les plus fidèles de ce blog remarqueront que l’entrée 1 mai 2016 fait ici une nouvelle apparition. Je n’en ai pas fini avec ce printemps, je n’en ai pas fini avec ce mouvement et ce qu’il a réveillé, révélé et créé. Je ne compte pas m’arrêter de lutter, je ne compte pas arrêter d’écrire. A mon rythme et sans toujours y croire. Parfois je fatigue. Je doute trop pour être vraiment efficace mais ce n’est pas très grave et puis, il n’y a plus rien d’autre à faire je crois.
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Printemps – été 2016, lexique – première partie
Ceci est une première tentative, ce texte est amené à évoluer, à proliférer, à grossir comme a grossi le cortège de tête, cette volonté commune de ne plus se laisser faire. De ne plus obéir à qui que ce soit. Ceci est une tentative, un essai, un brouillon, ceci est un témoignage individuel et situé qui n’est représentatif de rien si ce n’est de ce qui me passe par la tête ces derniers mois. Il n’y a pas d’objectif et il n’y a pas de programme. Il n’y a pas de solution. Il y a une énergie, une volonté. Ce n’est pas grand chose mais nous partons de tellement bas, de tellement loin qu’il fallait bien commencer quelque part. Un second volet suivra avec les entrées Amitiés, Cortège de tête, Femme & enfant, Nuit debout, Slogans, SO et diverses bricoles sans doute.
14 novembre 2015
Date historique. 130 mort.e.s et des centaines de blessé.e.s en plein Paris et pas un seul flic dans le lot, étonnant non ?
Pour aller plus loin, voir les billets tagués massacre.
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une année pile
c’était hier je me rappelle, c’était il y a un an et il m’a fallu crever l’abcès, il m’a fallu lui avouer qu’elle m’obsédait, que je ne vivais plus que pour la voir, l’entendre, être prêt d’elle, je ne vivais plus que pour elle. je n’ai pas su lui dire. je n’ai pas su exprimer ce que je ressentais. ni pourquoi il était indispensable qu’elle devienne – si tel n’était pas déjà le cas – amoureuse de moi sinon c’était fichu, sinon vivre n’avait plus la moindre importance et je n’ai rien su dire, je n’ai pas su terminer la moindre phrase intelligible, sensée ou sensible. j’ai juste été capable de bredouiller qu’elle m’attirait. c’était ridicule. Continuer la lecture de une année pile
Faire du chiffre ou prendre les armes
à Claire, à Silvia
J’ai été recruté au CNRS car j’avais su faire du chiffre et vendre mon produit. Faire du chiffre signifie pouvoir aligner au bout d’un temps donné x publications dont x’ en anglais, y communications dans des colloques dont y’ dans des colloques dits internationaux et z contacts dans des milieux disciplinaires donnés. Mais le bilan ne saurait suffire, reste à vendre le produit. Un.e bon.ne vendeur ou vendeuse est apte à vendre un anti-acarien pour moquette à une personne dont le plancher est en parquet. Un.e chercheur ou chercheuse au CNRS est capable de vendre un projet sur Genre et gouvernance locale dans les Suds à des personnes travaillant sur Les syndicats patronaux de 1968 à 1973 ou l’Alphabétisation des adolescentes racisées issues dans les quartiers en voie de gentrification. Du chiffre et de la vente.
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mon noyau dur
je me connais
je me méfie
j’ai déjà connu ce genre de moments où vivre est tellement absurde qu’il m’est nécessaire pour avancer de m’investir corps et biens dans une cause, une lutte, une activité, de m’investir dans un cercle relationnel donné
j’ai fait ça x fois déjà
j’ai fait ça en 94 à Act-Up Paris, en décembre 95 avec les grèves, j’ai fait ça avec la BD indé et l’Association au début des années 2000, j’ai fait ça lorsque j’ai repris mes études et qu’au lieu d’avoir un L3 comme prévu, je me suis retrouvé en thèse puis au CNRS, j’ai fait ça lorsqu’après le 13 novembre 2015 je me suis mis à lire des dizaines d’essais politiques, radicaux, autonomes, et féministes surtout
et là je recommence
les assemblées de quartier
l’auto-organisation au niveau local
le cortège de tête et les amitiés des manifs sauvages
je me connais
je me méfie
ça peut retomber du jour au lendemain et je peux du jour au lendemain me remettre à boire et à déprimer seul dans mon coin
centré sur ma seule famille immédiate
mon noyau dur
Paris, août 2016