Il est deux heures dans la cuisine. J’y fume une cigarette, j’y bois un verre d’eau. C’est toutes les nuits pareil. Elle dort tournée contre le mur et, lassé d’attendre, je me lève sans bruit. Me déplace sans lumière. Ça dure une heure ou dix minutes, je réfléchis. La cour est moi sommes calmes. Je pense aux amis que je n’ai pas vus depuis des mois, je ne leur ai pas non plus donné de nouvelles. Il faudrait les appeler mais demain je n’y penserai pas, demain j’aurai mieux à faire. Ce n’est pas un problème d’habiter chez elle, de vivre à ses côtés. Ce n’est pas gênant de rêver la vie des femmes qui m’ont quitté. Et ce n’est pas grave le manque de sommeil.
Il est deux heures dans la cuisine. Ça fait des semaines que ça dure et je ne désire pas savoir pourquoi. Faire avec, allumer une seconde cigarette. Retrouver le goût plaisant de la solitude. Un peu plus tard, la rejoindre sans lumière et sans bruit. Regarder l’heure et calculer le temps de sommeil disponible, soupirer en se disant que ce n’est pas assez, je ne vais pas tenir. La regarder. L’embrasser dans le cou. Lui murmurer je t’aime.
Et si je ne m’endors toujours pas, couché sur le dos, je saisis ma verge de la main gauche, enduis de salive le pouce droit afin de lubrifier le gland et m’imagine en train de baiser une autre fille. Mes scénarios varient peu. Un bar familier, une jolie fille de ma connaissance, elle me roule une pelle avant de m’attirer dans les toilettes où je la prends, soit par devant soit par derrière et sans préservatif. Son visage en gros plan, bouche ouverte, chuchotant des obscénités entre deux soupirs, entre deux coups de bassin. Je le fais parfois dans la cuisine mais je préfère être allongé, question d’habitude. Habitude qui m’oblige à une discrétion maximale, ne pas bouger beaucoup, ne pas respirer fort, la surveiller d’une oreille, je détesterais qu’elle me surprenne. Je détesterais vraiment. Et une fois mon sperme avalé, enfin je m’endors.
Paris, juin 2003