Ne pas t’écrire. Ne pas t’appeler. Ne pas attendre ton appel. Si le voyant du répondeur ne clignote pas, inutile de vérifier les messages… Ne pas tourner en rond. Ne pas compter les heures. Ne pas boire. Écrire, juste écrire. Écrire pour moi et mes ami-e-s et tu n’en fais pas partie. Un choix qui t’appartient, tu as eu toutes les cartes en main. Faire comme si tu ne comptais plus, comme si tu ne comptais pas. Savoir que tu comptes moins que mes textes. Savoir que tu comptes plus que tout le reste.
Attendre.
Guetter la rue, surprendre les éclairs avant que de retourner écrire. Polir les phrases une à une. Atteindre l’immédiat, la vérité. Ça marche parfois. Le plus souvent je jette. Gâcher les feuilles et les amours tour à tour. Je romps aussi vite que je m’attache.
Ne plus t’écrire, oui… C’est encore plus improbable que ne pas boire.
8 février 2000
Lettre pour N. écrite à la BE, rue de Charenton
revue et augmentée en septembre 2013
La technique de drague la plus nulle
– Je me rappelle, j’étais au bar et il y avait deux filles à l’autre bout du comptoir et l’une des deux était vraiment jolie. Vraiment jeune aussi. J’avais facilement dix ans de plus qu’elle. Une brune, tu connais mes goûts. Un peu trop maquillée mais très belle. Elle respirait la fragilité. Elles attendaient qu’il se passe quelque chose, que quelqu’un vienne les distraire et je n’ai pas su faire. Je m’en suis voulu.
– Comment ça voulu ?
– Les jolies jeunes filles ne devraient pas s’emmerder. Elles méritent mieux. J’ai demandé à mon pote barman de leur offrir leur consommation et je me suis sauvé. Je n’ai pas attendu qu’elles sachent. Je me suis repointé une heure après, elles n’étaient plus là bien sûr. Mon pote barman a beaucoup ri. Il a affirmé que c’était la technique de drague la plus nulle qu’il ait jamais vue. Tu ne trouves pas ça mignon ?
– Si, c’est pas mal. Ça fait un peu adolescent mais c’est mignon. Tu les as recroisées ensuite ?
– Oui, elles ont fréquenté le bar un moment avant de disparaître je ne sais où. Elle était vraiment belle… Je ne lui ai jamais adressée la parole, je n’ai même jamais su son prénom ou ce qu’elle faisait. Et je crois que je serais incapable de la reconnaître aujourd’hui si je la croisais dans la rue.
– Et c’était quand ?
– Je ne sais plus, autour de 2000. Je tombais amoureux tous les deux ou trois jours autour de 2000. C’était une période rigolote.
– Tu regrettes ?
– Et à quoi ça servirait ? Surtout que je tombais amoureux souvent mais je couchais beaucoup moins, ça manquait un tout petit peu de perspectives l’histoire… Daniel, tu nous remets deux bières ? C’est pour moi.
2003 ?