L’ombre d’un chien. La destinée. Les mots fléchés du Parisien. Les reniements multipliés. D’autres choses encore, m’échappent. Tu le sais, je ne suis ni des perdants ni des vainqueurs. Ce genre de lutte ne me concerne pas plus aujourd’hui qu’hier. Quand je travaille, je le fais bien. Quand je t’adore idem. Tu me juges intolérant mais tu ne m’as pas connu à seize ans. Personne ne m’a connu alors, j’étais difficile d’accès. Le moins que l’on puisse dire si tant est que dire soit utile, parfois. Rien d’innocent. Jamais. Aucun de mes gestes. Aucune de mes phrases. De mes silences contraints. L’histoire ancienne avec laquelle il nous faudra composer d’une nuit l’autre.
La maîtrise et les armes me manquaient à l’époque mais depuis rien n’a changé ni ne s’est amélioré.
Nous le faisons minimum trois fois par jour. Par nuit. Partout. Je ne me lasse pas de nos mélanges de corps. Je t’ai pourtant mise en garde, mes amours n’ont jamais connu la facilité. Mon attitude et mes valeurs, rêches. Mon intransigeance est une piètre qualité. L’obsession des souvenirs un vilain défaut, plus l’alcool en embuscade.
À seize ans, je me rappelle.
Les bruits et les odeurs et le mal-être et la musique radiodiffusée et le ciné-club et les lycéennes et le Cinéma de minuit et le père en naufrage et mon triste pucelage, mon triste pucelage et mes désirs de mort, ces derniers se maintiennent, à seize ans je me rappelle que les minutes duraient des heures et que ma seule vie tenait en mes rêves. Érotiques souvent, par la force des absences.
C’était terrible alors. Plus que sinistre. J’oublie aujourd’hui car tu es là et je ne suis pas sûr pour toi mais pour moi ça change tout, je t’aime.
Trilogie avril – mai 2000 (2), Paris