Je m’use les yeux à tes courbes. Les prétextes n’ont pas manqué. Mes absences non plus. Tu t’en moques et j’aimerais savoir t’imiter. Cela dure 2 à 3 semaines où chaque jour je pense à toi. Te sachant proche. Cinquante mètres à peine. Première rue droite. Premier bar sur la gauche. M’interdisant de descendre boire. Et ce soir je craque pour ne regarder que ton corps jeune. Lisse. Tu ne t’en aperçois même pas. Tu me remarques à peine, plus transparent qu’abattu. Tu joues au baby-foot.
Quand j’entre dans le bar pour la première fois depuis x temps, tu te jettes à mon cou, réjouie, « tu nous as manqué, t’étais où ? », « j’étais ailleurs », puis tu disparais, et je ne t’entends plus de la soirée.Tu es adorable et je te regarde. Avec d’autres. Avec les autres. Je suis comme eux. Je ne vaux pas plus. Vider mon verre avant de partir. Le payer aussi.
Je pense à toi quand je me branle.
Je pense à toi quand je rêve.
Je pense à toi et tu t’en moques. Il faut que cela cesse. Un jour ou l’autre mais plutôt l’autre comme d’habitude et comme d’habitude ce n’est pas une bonne idée.
Les bonnes résolutions se prennent fin mars ou ne se prennent pas. Ne se prendront donc pas. L’ombre du printemps. Les premiers soleils et chaleurs. Ta peau se dévoile un peu plus. Nos frustrations idem. Je ne te parlerai plus. Je ne t’appellerai plus. Je ne te donnerai plus mes textes à corriger. Je ne chercherai plus à te voir. T’évitant au besoin. Non, je plaisante. Il ne faut pas m’écouter ce soir et tu ne m’écoutes d’ailleurs pas. J’ai trop travaillé je crois, trop donné, mon dos tire et je fatigue et aussi j’ai trimbalé un jeune cadavre féminin à la morgue cet après-midi, un charmant cadavre de 17 ans, suicide à l’insuline, elle ne s’est laissée aucune chance et j’ai pleuré alors ne t’inquiète pas, je vais mal et tu n’y es pour rien, pas responsable en somme.
Tu joues au baby-foot. Il n’y a pas d’épreuve, c’est irréel tout ça. Tu simules la compétition et je feins l’artiste. Nous ne coïnciderons pas cette nuit et j’en suis triste. Désolé ma belle. Ce n’était pas le jour ou notre heure. Je te respecte et te désire et me sens vieux, parfois. Mieux vaut rentrer, et boire seul. Trop belle pour moi et tout va bien… J’en souris même.
Paris, avril – mai 2000 / revu en septembre 2014
Photographie : page facebook de La Belle époque, 44 rue de Charenton, Paris 12