[petit feuilleton romantico-amoureux en 7 + 1 épisodes]
Joli mensonge
la douceur folle de ces nuits où je ne sais rien faire sinon te regarder dormir en paix
impossible de geste
fermer l’œil
m’ennuyer
incapable de penser à autre chose qu’à toi et tu t’en fous royal tu dors et ronfles et rêves et tu as raison bien sûr et si j’étais moins bête je ferais de même mais non ça ne se passe pas comme ça
la nuit s’éclaire chassée
j’attendrai tes charmes au dehors
à la lisière
il est 2 ou 3 ou 4 heures et le bar s’éteint
je t’invite à la maison
ça t’économise le taxi
tu veux baiser
moi ou un autre
tu m’accompagnes
j’en suis flatté
musique en alcools et cigarettes à la chaîne
le thé au matin avant les collants troués systématiques
une rose en trophée
les erreurs menaçantes
il ne me reste plus qu’à attendre ton appel possible
il ne me reste plus qu’à jouer la comédie sociale coutumière
tout me fait rire aujourd’hui
la laideur de nos villes
les défaites de nos visages
la violence dont nous sommes les complices
en toute impunité
innocents presque
tout me fait rire
notre histoire n’a pourtant rien de drôle
histoire est un bien grand mot d’ailleurs
toi et moi quelques jours
deux enfants malhabiles feindront plus tard les déchirures
trop blessés pour les illusions d’amour
et trop égoïstes pour la tendresse
la générosité
le cul reste un joli mensonge quand tu dors à mes côtés
Paris, janvier 2000
L’aube plus 10°
tu me rejoins à l’aube plus 10° et
les minutes ralentissent
s’étirent
les nuits ne sont plus ce qu’elles étaient quand tu n’y es pas
dépriser la veille et sauter au lendemain
ordinaire
les draps sentent quand tu travailles et tu travailles souvent
une fille sérieuse
je le suis moins
je pars chaque fois que tu m’éloignes
se faire peur et presque rien
tu me manques au-delà du raisonnable
défier le sort
les sortilèges
marcher sur un fil jusqu’à tomber
ce ne devrait guère être long
si tu n’as rien de mieux à faire
regarde les semaines où je m’égare
beaucoup plus seul que lorsque je l’étais (seul)
quant à tes foutus silences je n’excuse rien
peine perdue
peine de cœur
peine à jouir
pénétrations passées
pénétrations à venir
pénis au repos
reviens-moi vite ma toute belle
mon adorée
même si je le sais bien
tu ne reviendras pas
j’ai assez mal comme ça
Paris, janvier – février 2000
Virginie dernière
La nuit des autres
J’en perçois la rumeur
Cette nuit que tu me refuses si souvent
Comme un jeu du bout des lèvres
Les prétextes je m’en moque connasse
J’oublie ta voix et reste entier
Plus ou moins
Plutôt moins que plus mais tu le savais déjà
Nous nous connaissions avant de nous rencontrer
La facilité n’est pas de notre itinéraire
À peine commun
Nos nuits n’ont pas de valeur
C’est ce que tu voulais n’est-ce pas
Félicitations
J’aimerais te haïr
Te tenir contre moi
Je déteste les conditionnels
Seul à mon bureau
Programme en compagnon sonore
La nuit des autres me rejette à sa périphérie
Et le téléphone inutile
Faire comme si je m’en foutais
Faire comme si j’étais poète
La deuxième rose aussi je l’ai gardée
En souvenir des dimanches flingués
D’un seul geste
D’une seule phrase
Elle est finie l’histoire
Je ne te laisserai plus me détruire
J’attends encore une semaine
Avant de réapprendre la nuit des autres – tu n’y es pas
Paris, février 2000
Saint-Valentin
Tout dire même si ça ne sert à rien. Même si elle ne veut pas écouter. Même si je ne veux plus lui adresser la parole…
Pour ma santé mentale, ce serait plus commode de te détester. J’essaye et n’y parviens pas. Les nuits avec toi, c’est une drogue bancale. Tu finis ici quand tu es raide. Tu oublies la moitié de ce qu’on se raconte. Une nuit, tu m’as dit « je t’aime », tu te rends compte ? ça ne veut rien dire, c’est n’importe quoi. C’était sincère sur le moment mais ta sincérité n’est jamais la même. J’aurais pu le deviner, on m’avait prévenu aussi. Les gens que j’aime, je leur fais du mal, toujours. Alors on s’habitue à ne pas aimer. À ne rien dire. À la survie. Pour épargner les gens. Évidemment on vit mal. Et un jour déboule quelqu’un qui envoie tout promener. Toi le mois dernier. Il faut se reconstruire sans savoir pourquoi. Rien qui en vaille la peine. Un jour je saurai aimer. Un jour je serai un mec bien. Pas aujourd’hui.
Quand j’aime j’avance. J’écris mieux. Je sais parler. Je sais croire en la vie. Quand j’aime ça plante chaque fois. Je finis en miettes. Me relève de plus en plus mal. C’est super.
Marre de me prendre des bâches. Avec toi. Avec celles d’avant. Marre. J’aimerais me blinder. J’en suis incapable et ça me bouffe toutes les heures – je ne bois pas pour rien. Il faut que je me soigne. Une rose sur le trottoir rue Saint Nicolas à 2h30 ce matin et je me couvre de plaques. Saigne de partout. La princesse au petit pois… Comment ils font les autres ? Je ne sais pas, je n’ai jamais su. Je n’écris pas pour rien. Au départ c’était un refuge. Maintenant j’ai oublié. Une habitude supplémentaire peut-être.
Ne pas tricher ou faire semblant. Agresser pour se défendre. Pas d’excuse. Je t’aime et tu le sais et tu t’en moques et tant pis pour moi. Pour le moment tu balances du sel sur mes plaies et ça ne cicatrise pas. Pour le moment tu lis ces lignes et ça te déplaît. C’est lourd. Ce n’est pas agréable. Je t’emmerdet’aime. Je ne veux plus te voir et j’en crève. J’ai envie que tu chiales à cause de moi. Que tu sois mal à cause de moi. La réciprocité du pire, désolé.
C’est toi qui as raison bien sûr. Le plus facile. Le confortable. Bien sûr tu as raison. Dire qu’il y a des crétins qui prennent une autre voie… Le plus facile. Ça te mène à quoi ? La baise c’est dégueulasse. J’ai arrêté les mecs à cause de ça. Changer de viande un soir sur deux. Pourquoi faire ? Plus je baisais plus j’étais mal. Tout ce gâchis. À pleurer et je pleure, la baise c’est dégueulasse. L’alcool n’arrange rien. Je range mon stylo. Je vais boire ailleurs. Demain je te poste ça. Je me demanderai de quel droit je le fais. Le droit du plus faible sans doute. Ne t’inquiète pas, je disparais. Je ne t’écris plus. Et bonne chance pour la suite.
Paris, février 2000 – revu en mars 2014
5803 heures
Regarder le monde par tes yeux ne m’est plus paisible et tu t’en moques avec une telle facilité
J’en perds mes directions
Vérifier l’orthographe des insomnies
La syntaxe des cauchemars
Les rêves se trompent chaque fois de mesure
Juste histoire de se foutre de ma gueule
5803 heures que nous nous croisons
Je ne reçois plus à domicile
Tu refuses que je passe te voir
L’aventure se dissout faute de lieux adéquats
Et nos meilleures volontés s’économisent
Nous étions pourtant des mêmes lieux
Le toit du ciel n’est là que pour nous humilier
Là il est orange sale
L’universel a la gueule de bois
La verge sous plastique
Trop tard pour la mansuétude
Sois en convaincue ma belle
Ça me fait mal au cul de t’adorer encore
J’ai rêvé hier que j’existais pour toi
Juste un rêve et c’était le bonheur
Avant que le réveil ne sonne pour m’envoyer torcher des vieilles en banlieue Nord
Bas et Lezat, Paris, 1999/2000
Degré zéro
Comme son titre l’indique
Une semaine après, samedi matin, après-midi et soir
Une belle journée
Ivre sans répit
Mes respirations fragiles
Rien de neuf
Dommage
Merci pour tout
Vivement la prochaine
J’essayerai d’être moins nul
De prendre moins de place
L’effrayer moins peut-être
Je saurai y parvenir avec elle
Tu parles
J’écris
« Rien à foutre d’eux, rien à foutre de rien » (Programme, 2000)
Mais je pourrais en recopier toutes les paroles
Je tremble
C’est génial
Changer de disque
Neil Young
« I’m a dreamer but you’re just a dream »
Sourire en fatigue
Tu me manques
Un autre verre
Je ne les compte plus
Souvent je bois à la bouteille
Jouer à se détruire
Pleurer avec méthode
La libido en panne sévère
Je n’arrive même plus à me branler
Au boulot j’assure
Avec la famille j’assure
Le reste non
Ma vie est une catastrophe moyenne
Un choix comme un autre
Entièrement assumé
Crève
Ravi de t’avoir rencontrée
Et si le soir en rentrant seul je m’effondre en larmes qu’importe
Pas de témoins
Jamais
Paris, février – mars 2000
Pirouette
Quand même
Malgré tout ce que j’ai pu dire
Et mes nombreux élans d’agressivité
J’ai envie
Serrer ton corps
Te mordiller le cou
Entrer en toi
Y rester longtemps
T’accompagner Gare de Lyon ligne A sur les 9 heures
T’acheter une brosse à dents
Te parler ivre
Livres
Te sentir mouillée au réveil
Ouvrir une brique de pamplemousse
T’entendre dire « plus fort plus fort »
Devenir quotidien érotique
Rire de toutes mes caries
Récupérer les cendres
Décrocher ta lune
Collectionner les roses
Envie de te rerencontrer
Au détour d’un drap
À l’issue d’une journée de travail
J’ai surtout envie
De te laisser en paix
Ni heureuse
Ni malheureuse
Un semblant d’équilibre qui te convient
Qui te ressemble
Toi qui tout le temps
Fais semblant de vivre
Prétends vouloir le bonheur
Menteuse
Tu ne parviens même pas à t’en convaincre
J’ai envie
Tu t’en fous
Et c’est parfait
Paris, février – mars 2000
Postface (Virginie 7+1)
c’était son anniversaire hier
j’aurais aimé le lui souhaiter
et plus encore
j’écris le contraire
saisir le souffle avant qu’il ne s’échappe
te rejoindre en alcool
l’intempérance se renforce
nos sinistres libations
ta gueule mon amour
laisse-moi te raconter
ma vie quand elle n’est pas à la hauteur
plus tôt
allongé
silencieux
incapable de lire et d’écrire
les visages que je voulais abolir
les paroles que je n’ai pas su taire
mes affrontements dérisoires envahissaient les murs
je te savais proche
aller jusqu’au bout – ce n’est pas très loin
saisir le temps d’un regard
le tien est troublé de rancœur
tu me parais laide
enfin
vautrée dans les mensonges
je cherche ailleurs ce que tu ne sauras jamais donner
la vengeance aussi obsolète que le pardon
saisir le souffle et s’y accrocher à plein cœur
rien n’échoue toujours
un énième départ
tu ne m’accompagneras pas
tu le savais déjà
dévier la trajectoire ne serait-ce que d’un centimètre
une amourette
ensuite changer de continent
Paris, février – mars 2000
revu en mars 2014