Archives de catégorie : Écrire sur le rock

Mano Solo, la malédiction du premier album

Peut-être est-ce dû à l’âge, au contexte social et affectif du moment et ça n’a sans doute rien à voir avec la qualité intrinsèque des albums, c’est peut-être uniquement dans ma tête, je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que certains artistes avec leur premier album parviennent de façon quasi miraculeuse à saisir, à capturer leur époque. Lorsque je bois des bières tard le soir avec mes jeunes collègues, ce que je fais très peu souvent en raison de mes contraintes familiales ordinaires, j’attaque sur La marmaille nue et je tente de les convaincre que, pour savoir ce qu’était la vie à Paris* au début des années 90, le premier album de Mano Solo est plus utile que l’ensemble des archives de l’époque**. Continuer la lecture de Mano Solo, la malédiction du premier album

Arnaud Michniak et la fidélité

C’est difficile la fidélité, que ce soit en couple ou en musique. Je n’aime plus ce que fait Arnaud Michniak alors que je le tiens pour l’un des chanteurs les plus importants des vingt dernières années. Je télécharge ses albums sur bandcamp, je les écoute, je saute les morceaux les uns après les autres, ça ne va pas, ça ne me plaît pas, je ne les réécoute jamais mais ne parviens pas à les jeter. Lorsque je lis ses textes, ça va, je le retrouve mais cette façon de les chantonner, cet accompagnement musical anémié, c’est pénible, c’est pénible mais je garde. Je lui reste fidèle. Il est trop important, trop précieux et je dois continuer à lui faire confiance. C’est une question d’éthique. Continuer la lecture de Arnaud Michniak et la fidélité

« Pas pour l’argent, pas pour les gens » : les Dead Boobs

Commençons par ce qui fâche.
1. le nom. Ils répètent à Saint-Maur, ils se nomment les dead boobs. Super drôle.
2. le côté homophobe. Sans doute du quatorzième degré mais j’ai du mal quand même. Comme l’introduction du morceau Patrons (« les patrons c’est tous des enculés / faut leur couper la bite à tous ces sodomites »). Le pire c’est en concert lorsque Jean-Louis/Maxime, chanteur guitariste, demande à un type dans le public comment il s’appelle, « Machin Bidule » et le groupe se met à jouer « Le plus gros des pd, c’est Machin Bidule ». Oui, c’est encore du quatorzième degré mais quand on a traîné dans le milieu gay avant l’arrivée des trithérapies, il y a des attitudes qui passent mal… Continuer la lecture de « Pas pour l’argent, pas pour les gens » : les Dead Boobs

Emma Pils : la rage, le talent, plus l’attitude

Il y a dans le minuscule milieu punk parisien actuel une course à la radicalité qui peut parfois laisser songeur. Tel groupe se fera une règle de ne donner que des concerts de soutien ou, à la rigueur, des concerts gratuits. Tel autre proposera l’intégralité de ses titres gratuitement sur bandcamp. Un troisième se fera un point d’honneur de vendre ses disques (vinyl, nécessairement vinyl) à prix coûtant. Envisager que jouer puisse rapporter plus que du plaisir est a priori suspect.

Emma Pils est peut-être le groupe qui pousse cette logique le plus loin : pas de page facebook, pas de vidéo sur youtube*, refus de jouer dans certaines salles – le groupe a débattu un moment avant de jouer à la mécanique ondulatoire,  – un bar désagréable avec videur à l’entrée certes, mais un bar où la salle, les tarifs et la programmation sont corrects -, intégralité des albums en téléchargement libre sur leur propre site. Et si l’on choisit le format mp3, un pop-up nous précise gentiment que c’est un format non libre et de qualité médiocre, alors que les autres formats proposés sont libres et de meilleure qualité. Animant leur propre site, ils ont fait en sorte qu’il soit impossible de partager une chanson ou une vidéo : impossible donc de les mettre contre leur gré sur n’importe quel « viewer capitaliste à la con ».  S’il était possible de ne pas être référencé par google, je suis certain que ce groupe le ferait aussitôt. Continuer la lecture de Emma Pils : la rage, le talent, plus l’attitude

Bruce Springsteen, Nebraska, 1982

Il doit exister au bas mot 50 biographies de Bruce Springsteen dont 45 préfacées par cet escroc d’Antoine de Caunes tout comme il doit exister 150 biographies des Rolling Stones dont 124 préfacées par cet abruti de Philippe Manoeuvre – je ne parle là que du marché français, je ne connais pas les équivalents anglophones de ces deux guignols – et il n’est donc pas utile de situer le personnage, sa trajectoire, le côté exemplaire de sa carrière et de son attitude. Ce type a tout pour inspirer le respect. Il n’a pas trahi sa classe, il est resté un prolétaire tout en devenant millionnaire et j’ai lu suffisamment de comptes-rendus de concerts de ce type ces trente dernières années pour savoir qu’il est d’une générosité sans bornes. Et pourtant, et ça ne date pas d’hier, hormis une poignée de titres (The river, Thunder road, que des titres sortis avant Born in the USA donc) et un album (Nebraska, 1982), sa musique m’ennuie. Qu’il soit un type bien ne change rien à l’affaire.
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sur le Velvet et Lou Reed

Entre 1987 et 1993, le Velvet Underground est le groupe que j’ai le plus écouté. Le seul groupe, avec les Pixies et Noir Désir, dont j’avais pu me constituer l’intégrale (je rappelle qu’avant l’internet et dans une petite ville de province, c’était loin d’être facile..). Et j’avais beau me reconnaître dans les Contre-feu de Michka Assayas*, je ne le suivais plus lorsqu’il opposait les Beach Boys (en réalité le seul Brian Wilson), authentiques défricheurs, au Velvet considéré comme une bande de poseurs sans talent. Le Velvet est le seul groupe sur lequel j’ai lu des ouvrages. J’ai fantasmé ce groupe des nuits entières et aujourd’hui encore, je frissonne chaque fois que j’écoute Heroin. Et lorsqu’en 1990 le groupe se reforme plus ou moins par hasard à la Fondation Cartier, j’ai regretté des semaines et des mois entiers de n’avoir pas été là – partir à Paris s’imposait de plus en plus comme la seule option viable et vivable. Et une de mes toutes premières sorties parisiennes sera à l’American Center une projection de courts métrages d’Andy Warhol dont plusieurs où joue le Velvet. Continuer la lecture de sur le Velvet et Lou Reed

consommation (improvisation 2) / société marchande

Le principe est le même que la dernière fois et comme la dernière fois, femme et enfant sont au cinéma pour un mauvais film encore, américain cette fois-ci, les mauvaises comédies françaises ça va bien cinq minutes mais il ne faut pas en abuser. Écrire d’une traite sur un sujet qui me poursuit depuis quelques mois ou davantage et que je n’ai jamais pris la peine de coucher sur le papier, écrire d’une traite puis retravailler la bricole autant qu’il le faudra et quand ça tient à peu près la route, balancer en ligne pour les quelques personnes que ça peut intéresser. Et dans la rubrique Fatras qui, je le rappelle, est la seule à pouvoir être qualifiée d’autobiographique sur ce blog. Il est donc normal qu’elle soit peu fournie, ma vie est une matière pauvre – je n’aime rien tant que les habitudes, et puis lire, et écrire. Continuer la lecture de consommation (improvisation 2) / société marchande

PJ Harvey, Dry, 1992

PJ Harvey a mon âge, ce qui aujourd’hui ne signifie pas grand chose tant vivre est devenu une habitude à laquelle on ne réfléchit plus guère. Il y a des moments où ça va bien et d’autres où c’est une horreur, il y a des crises, des doutes mais bon, ça fait plus de quarante que ça dure et on finit par savoir un peu se défendre, quitte à s’abimer dans des produits divers et variés, légaux ou non. Ça arrive encore de s’effondrer en larmes la nuit venue mais le lendemain on va acheter les croissants pour les enfants avant de partir au boulot l’air de rien.

PJ Harvey avait mon âge en 1992, ce qui change tout. Une femme de mon âge en couverture des Inrockuptibles. Une femme de mon âge passant chez Lenoir toutes les semaines. Mais surtout une femme de mon âge capable d’écrire sur son dépucelage (Happy and bleeding) ou sur le triolisme (Oh my lover). Moi qui n’avais encore jamais touché la moindre femme. Une femme capable de mener un groupe au son sec et brutal, moi qui savais tout juste aligner trois accords après des dizaines d’heures à m’esquinter les doigts sur une guitare acoustique de qualité médiocre. Continuer la lecture de PJ Harvey, Dry, 1992

Radio Béton ! Tours, 93.6

Il y a la chanson célèbre de ce vieux con* de Lou Reed, « My life was saved by rock’n’roll » sur le dernier album du Velvet (je ne compte pas Squeeze) et je sais que certains et certaines pensent que c’est exagéré, c’est comme parler de livres ou de films qui ont changé notre vie, concrètement ça veut dire quoi ? Ça veut dire que si je n’avais pas lu Last exit to Brooklyn et Bukowski à dix-sept ans, ma vie n’aurait pas été ce qu’elle a été et si je n’avais pas vu Un monde sans pitié à dix-huit, pareil, je serais devenu une autre personne. Ce n’est pas le rock’n’roll qui a sauvé la mienne durant l’année universitaire 1989-1990, c’est une station de radio tourangelle. Voulant devenir écrivain, je m’étais inscrit en Lettres modernes – je ne savais rien encore, j’étais un puceau mal dans sa peau bouffé par la trouille. J’avais peur de mon corps, de l’avenir et des femmes évidemment. Je n’étais pas armé. Continuer la lecture de Radio Béton ! Tours, 93.6

sur les concerts et les services d’ordre

Découvrir l’émission de radio Konstroy puis le site d’annonce de concerts razibus.net a changé du tout au tout ma consommation de concerts et m’a permis de réfléchir un tout petit peu sur l’inutilité manifeste des services d’ordre. Je ne parle pas ici des festivals estivaux où je n’ai pas mis les pieds depuis Noir désir aux Eurockéennes en 1995 ni des hangars type Zénith ou Bercy. Je parle des concerts où la proximité physique et le nombre de personnes permet d’espérer un minimum d’échanges et d’émotions non exclusivement marchands.
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