tout est parti d’un regard
que je n’ai pas su lire
le regard d’une jeune femme
que je connaissais un peu
appréciais beaucoup
un regard qui dure une ou deux secondes de trop
une ou deux secondes de plus que nécessaire
et tout est parti de ce regard
il aurait fallu agir de suite
demander si elle voulait qu’on passe la nuit ensemble
elle aurait éclaté de rire
j’aurais bredouillé quelques mots d’excuse avant de m’enfuir
et tout aurait été oublié
vite oublié
je n’ai pas osé bien entendu
je l’ai regardée
lui ai souhaitée une bonne nuit
à tout à l’heure
il était plus de cinq heures du matin
la réunion était à neuf
je l’ai regardé me tourner le dos
partir
dieu qu’elle est belle…
suis rentré dans mon bungalow
je ne sais pas si j’ai pleuré mais je ne crois pas
je me suis sans doute masturbé
ai sans doute dormi une heure ou deux
et je ne disais ce n’est pas grave
on se revoit le mois prochain
le mois prochain nous pourrons passer nos nuits ensemble si elle le souhaite
c’était absurde
c’était un regard dont elle ne se souvient pas
c’était un regard dont je ne connaitrai jamais le sens
nous avions un peu bu
il était tard
c’était un regard qui ne signifiait rien sans doute
ce regard j’en ai fait des tonnes
des montagnes
j’en ai rêvé des années entières
je revois les lieux
les arbres
la couleur du ciel
je me souviens ses vêtements et leurs couleurs
sa coiffure
moi qui ne fais jamais attention à ces trucs
je me souviens de tout
et elle ne se rappelle pas
la vie est trop ridicule pour
prendre un regard au sérieux
et je l’avais oublié
Paris (?), février-mars 2016
