Archives par mot-clé : 2016

Printemps – été 2016, lexique – deuxième partie

Ceci est un prolongement. Une première tentative a été mise en ligne ici-même en décembre dernier. Les plus fidèles de ce blog remarqueront que l’entrée 1 mai 2016 fait ici une nouvelle apparition. Je n’en ai pas fini avec ce printemps, je n’en ai pas fini avec ce mouvement et ce qu’il a réveillé, révélé et créé. Je ne compte pas m’arrêter de lutter, je ne compte pas arrêter d’écrire. A mon rythme et sans toujours y croire. Parfois je fatigue. Je doute trop pour être vraiment efficace mais ce n’est pas très grave et puis, il n’y a plus rien d’autre à faire je crois.

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Enfance sauvage, 2015, Je suis un village la nuit

Je ne connais pas leurs noms, leurs parcours, je les ai vu une fois sur scène à la parole errante, le concert a commencé avec un retard énorme et ils ont abrégé leur set mais j’ai vu la playlist et ils n’avaient pas prévu de jouer Je suis lucide, dommage, dommage car j’en suis persuadé, cette chanson est l’une des branches à laquelle je me suis raccroché lorsqu’après le 13 novembre 2015 j’ai sombré, ce morceau a été une de mes rares béquilles avec quelques amies proches et ma femme et mon fils mais bon, le concert était extraordinaire, le son des deux basses résonne encore dans mon crâne et il est rare encore aujourd’hui que je voyage en train sans écouter au moins une fois très fort au casque Immeuble mou, Je suis lucide ou Nous les chiens. Cela me réveille, cela me rend vivant davantage. Enfance sauvage est avec Emma Pils et quelques autres l’un des beaux secrets de la scène alternative contemporaine.
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Printemps – été 2016, lexique – première partie

Ceci est une première tentative, ce texte est amené à évoluer, à proliférer, à grossir comme a grossi le cortège de tête, cette volonté commune de ne plus se laisser faire. De ne plus obéir à qui que ce soit. Ceci est une tentative, un essai, un brouillon, ceci est un témoignage individuel et situé qui n’est représentatif de rien si ce n’est de ce qui me passe par la tête ces derniers mois. Il n’y a pas d’objectif et il n’y a pas de programme. Il n’y a pas de solution. Il y a une énergie, une volonté. Ce n’est pas grand chose mais nous partons de tellement bas, de tellement loin qu’il fallait bien commencer quelque part. Un second volet suivra avec les entrées Amitiés, Cortège de tête, Femme & enfant, Nuit debout, Slogans, SO et diverses bricoles sans doute.

14 novembre 2015
Date historique. 130 mort.e.s et des centaines de blessé.e.s en plein Paris et pas un seul flic dans le lot, étonnant non ?
Pour aller plus loin, voir les billets tagués massacre.
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une année pile

c’était hier je me rappelle, c’était il y a un an et il m’a fallu crever l’abcès, il m’a fallu lui avouer qu’elle m’obsédait, que je ne vivais plus que pour la voir, l’entendre, être prêt d’elle, je ne vivais plus que pour elle. je n’ai pas su lui dire. je n’ai pas su exprimer ce que je ressentais. ni pourquoi il était indispensable qu’elle devienne – si tel n’était pas déjà le cas – amoureuse de moi sinon c’était fichu, sinon vivre n’avait plus la moindre importance et je n’ai rien su dire, je n’ai pas su terminer la moindre phrase intelligible, sensée ou sensible. j’ai juste été capable de bredouiller qu’elle m’attirait. c’était ridicule. Continuer la lecture de une année pile

Faire du chiffre ou prendre les armes

à Claire, à Silvia

J’ai été recruté au CNRS car j’avais su faire du chiffre et vendre mon produit. Faire du chiffre signifie pouvoir aligner au bout d’un temps donné x publications dont x’ en anglais, y communications dans des colloques dont y’ dans des colloques dits internationaux et z contacts dans des milieux disciplinaires donnés. Mais le bilan ne saurait suffire, reste à vendre le produit. Un.e bon.ne vendeur ou vendeuse est apte à vendre un anti-acarien pour moquette à une personne dont le plancher est en parquet. Un.e chercheur ou chercheuse au CNRS est capable de vendre un projet sur Genre et gouvernance locale dans les Suds à des personnes travaillant sur Les syndicats patronaux de 1968 à 1973 ou l’Alphabétisation des adolescentes racisées issues dans les quartiers en voie de gentrification. Du chiffre et de la vente.
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mon noyau dur

je me connais
je me méfie
j’ai déjà connu ce genre de moments où vivre est tellement absurde qu’il m’est nécessaire pour avancer de m’investir corps et biens dans une cause, une lutte, une activité, de m’investir dans un cercle relationnel donné
j’ai fait ça x fois déjà
j’ai fait ça en 94 à Act-Up Paris, en décembre 95 avec les grèves, j’ai fait ça avec la BD indé et l’Association au début des années 2000, j’ai fait ça lorsque j’ai repris mes études et qu’au lieu d’avoir un L3 comme prévu, je me suis retrouvé en thèse puis au CNRS, j’ai fait ça lorsqu’après le 13 novembre 2015 je me suis mis à lire des dizaines d’essais politiques, radicaux, autonomes, et féministes surtout
et là je recommence
les assemblées de quartier
l’auto-organisation au niveau local
le cortège de tête et les amitiés des manifs sauvages
je me connais
je me méfie
ça peut retomber du jour au lendemain et je peux du jour au lendemain me remettre à boire et à déprimer seul dans mon coin
centré sur ma seule famille immédiate
mon noyau dur

Paris, août 2016

Avant et après le 13 novembre 2015

à M., à J. – merci pour tout

Ce qui suit est une tentative visant à expliquer ce qu’a produit la nuit du 13 au 14 novembre 2015 dans ma vie et celle de mes plus ou moins proches. Il n’y a là aucune volonté d’objectivité et aucune considération morale. Il s’agit d’un bilan provisoire dans la mesure où les effets de cette nuit ne cessent de se prolonger dans les rues de ma ville, dans mes actes et dans mes désirs, mes indignations. Je ne peux évidemment être honnête sans évoquer un minimum mon entourage, ce que je cherche d’habitude à éviter. Ma femme est ma femme, mon fils est mon fils mais ils ne lisent pas mes textes donc, même si je fais attention, ça passe. Les amies sont désignées par des lettres et j’ai fait en sorte de taire tout élément permettant à des proches de les identifier – elles se reconnaîtront évidemment, mais elles sont les seules à pouvoir le faire. Et l’emploi du féminin n’est pas anodin, il n’y a qu’avec des femmes que j’ai su parler de cette nuit. Alors que normalement, parler avec des femmes, je ne sais pas faire.
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La métropole, la campagne…

Paris et sa petite couronne sont bien confortables. Où voir un concert d’Emma Pils ou des Dead Boobs ? Où participer à une manif sauvage où banques et agences immobilières sont saccagées ? Où bloquer un carrefour pour un foot’sbeul de rue ?… La métropole permet de consommer de la rébellion de façon quasi quotidienne. Mais cette rébellion amusante, hélas, ne permet pas de construire un modèle social alternatif. Nous y sommes filmé.e.s et repéré.e.s en permanence. Nous y sommes exposé.e.s aux violences sociales et policières, à la publicité en permanence. C’est beau crier Paris debout, soulève-toi ! avant d’esquiver canon à eau et lacrymos mais le lendemain, le réveil sonne, je vais au pain en automate, réveille le gamin pour l’école et l’embrasse, bonne journée mon cœur, je prends le métro, je vais bosser, et n’ose pas déchirer la moindre pub. Paris debout, tu parles. Partir ailleurs et créer les ZAD*/ZAT** partout où c’est encore possible. On en parlait avec ma femme la semaine dernière, avec S et son copain il y a deux jours, partir. Quitter la métropole. Quitter le confort pour aller construire ailleurs et autrement. Un modèle différent. Une contre société. En marge pour de bon. Le petit sera majeur dans cinq ans et là, nous aviserons.

Paris, août 2016

*ZAD : zone d’aménagement différée devenue zone à défendre
** ZAT : zone d’autonomie temporaire, concept proposé par Hakim Bey en 1991 (traduction en français en 1997, éditions de l’éclat).

chaque moment

J’ai vécu chaque moment tu sais avec une intensité incroyable, les joies, les peurs, l’agacement et je n’imaginais pas ça possible, je ne pensais pas que c’était pour moi, j’étais trop sombre trop noir trop laid, le monde était vraiment trop… trop dégueulasse et froid.

on en parlait avec celle-là il y a plus de vingt ans et nous nous imaginions avec deux enfants, une fille, un garçon, on avait les prénoms déjà et puis nous nous sommes déchirés enfin, je suis parti en saccageant tout derrière moi et après… après il y eut ce couple malade que je formais avec celle-ci et je n’ai jamais écrit là-dessus et j’évite le plus souvent d’y repenser car on a le droit de se foutre en l’air, on a le droit de survivre en zombie sans la moindre exigence, sans le moindre respect de soi-même mais pas en prétendant aimer quelqu’un.e parce qu’on ne tient plus debout seul et lorsque celle-ci est tombée enceinte, elle a avorté et j’aurais voulu qu’on le garde et celle-ci avait raison bien sûr, comme celle-ci a eu raison de partir ensuite Continuer la lecture de chaque moment