Tous les articles par Laurent Baug

dévier les trajectoires #6

Contrairement à ce que j’écrivais ici il y a quelques mois, ce blog invisible continue. Mon fils a gentiment insisté ; j’ai payé le nom de domaine pour deux années de plus. Je ne poste plus de billets de blog, dévier les trajectoires continue sous sa forme de numéro à peu près trimestriel. Si vous souhaitez recevoir l’exemplaire papier, vous laissez votre adresse en commentaire – elle ne sera évidemment pas publiée. La version pdf est disponible au téléchargement quelques semaines plus tard.

dévier les trajectoires #6, été 2023 (.pdf)

Domicile-travail (2020-2022, texte inachevé)
Un compte Tinder (deuxième essai) (été 2022)
Poème interminable (hiver 2022)
Vous oublier (noël 2022)

Numéros précédents accessibles ici.

Le #7 est presque près, le #8 aussi, le roman avance, à suivre.

Paris, 22 août 2023


dévier les trajectoires #5

une place dans ce monde / questions réponses / week-end / une vieille histoire / replonger / requiem pour GD / de la musique à la rentrée / raté / le retour / pas possible / je fais des efforts /sans titre / correspondance / les villes aujourd’hui

printemps 2023

téléchargement en version pdf

dévier les trajectoires – archives #2Écrire sur le rock (été 2023)

numéros antérieurs

dévier les trajectoires # 4 – janvier 2023

dévier les trajectoires #3 – automne 2022

dévier les trajectoires #2des visages, des figures – été 2022

dévier les trajectoires #1 – hiver 2021-2022

dévier les trajectoires archives #1Les variations Myriam, 1997-1999

dévier les trajectoires #0 – automne 2021

Préparer la fin de toute chose

Bonjour à toi lecteur ou lectrice venue de je ne sais où. J’espère que tu vas bien. Message rapide pour t’informer que ce blog disparaitra en août prochain. Et que l’expérience dévier les trajectoires papier s’arrête faute de lecteur et de lectrice – merci aux quatre personnes ayant laissé leur adresse, j’espère que recevoir ces bricoles dans vos boîtes aux lettres vous a plu.

Je continuerai à écrire, c’est une habitude difficile à perdre. Mais je n’ai pas spécialement besoin ni même envie d’être lu. A vingt ans, à trente ans, je voulais être écrivain. Je n’ai pas réussi et ce n’est pas très grave.

Bise, prenez-soin de vous.

Aubervilliers, 14 mars 2023

Vieillir – improvisation

C’est plutôt tranquille d’approcher les 50, je ne me voyais pas durer si longtemps. Je manquais d’imagination. Si tu m’avais dit ça à 20 ans, je ne t’aurais pas crue mais à 20 ans, tu ne m’aurais pas adressé la parole tu sais, je ne laissais personne m’approcher alors, je ne laissais personne me parler, me toucher et je n’osais rien, je voulais mourir et tout était douloureux, pénible… Tout ce temps perdu quand même. Tout ce que je n’ai pas su faire, tout ce que je n’ai pas su oser. Je suis un garçon lent.

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sinon vous, ça va ?

vous allez bien ? vos proches aussi ? et ces vacances alors ? pas trop déçu ? j’espère que vous n’êtes pas tombé dans une de ces villes touristiques où les maires se la jouent fascistes à deux balles, et le masque il sera obligatoire dans telle et telle rue, et la plage, elle sera fermée de telle heure à telle heure, et si vous n’êtes pas sages, vous aurez des amendes et les drones vous survoleront nuit et jour et le moindre agent de sécurité aura le droit de vous verbaliser, oui. 135 euros. et au bout de quatre amendes, prison ferme. c’est une question de santé publique vous savez. ce qui est interdit. ce qui est autorisé. comme pendant la farce du confinement. ce qui est marchand est autorisé. ce qui est source de plaisir, surtout si c’est gratuit, ne l’est pas. et c’est pour votre bien alors arrêtez de chouiner, vous nous remercierez plus tard. tu parles.

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Money

Non, ceci n’est pas un texte sur Pink Floyd (private joke)…

Qu’est-ce que tu veux que je te dise ? Que j’ai voulu ça ? Que je suis fier d’être ce que je suis devenu ? Femme, enfant, salaire et logement corrects ?… Non, évidemment non. Je n’imaginais pas ça. Je voulais être écrivain tu sais. J’ai pu fantasmer être rock star à la Cantat ou à la Nick Cave sauf que je suis moche donc écrivain ça semblait possible. Merci Bukowski, tu ne sais pas à quel point tes nouvelles ont pu m’aider. M’autoriser à rêver un futur qui ne soit pas totalement lamentable, qui soit autre que des renoncements en cascade. Ça ne s’est pas fait. Je n’ai pas su faire en sorte que cela devienne possible. Pas assez de travail. Pas assez de liens. Ce n’est pas grave. Les regrets ce n’est pas très grave. Il y a un truc quand même. Plusieurs fois dans ma vie, j’en ai chié. Je n’avais pas de quoi bouffer. Je n’avais pas de quoi m’acheter des clopes. Je fouillais les poubelles. Récupérais les mégots sur les trottoirs. J’ai raconté ça dans Adulte hôtel il me semble – je n’ai pas vérifié, je ne relis jamais les textes terminés. Et ça c’est fini. Plus jamais. Je mange à ma faim, je fume et bois trop et je paye les vacances à la famille et je n’ai plus à surveiller mon compte en banque. Je ne suis pas libre, non. Je ne suis pas écrivain. Je ne suis évidemment pas rock star. Je suis un type sans importance pour qui le fric n’est plus un problème parce que j’ai gardé mes habitudes de pauvre. Et, finalement, ce n’est pas si mal tu sais.

Paris (?), décembre 2019

Serge Teyssot-Gay, 1996, Silence radio

C’était début 1996 à la fnac de la défense, je ne sais pas si elle existe encore, je n’ai pas mis les pieds là-bas depuis des années et il faut dire aussi que dans les années 90, la fnac c’était chouette, on pouvait se poser et lire toutes les bd qu’on voulait, les vieux classiques du rock, du Velvet à Neil Young, n’étaient pas très chers en cd, ça faisait partie des destinations culturo-commerciales habituelles les fnac à Paris. ça a changé. J’ai perdu l’habitude. Je préfère maintenant les librairies et les disquaires, les vrais. La fnac j’y retourne tous les deux-trois ans pour observer. Je n’y achète rien. A l’entrée, les premiers objets à vendre sont des casques audio et des cafetières à capsules. Et il y a masse de vinyles dans les rayons à des tarifs souvent délirants, et que ceux qui gèrent le catalogue des Beatles aillent se faire rôtir à feu doux en enfer…

C’était début 1996 et le premier album solo de Serge Teyssot-Gay avait eu droit à une critique élogieuse dans l’un des derniers Inrocks ancienne formule – bimestriel, noir & blanc. Je n’avais pas de quoi bouffer et je voulais ce disque. Je suis allé à la fnac de la défense et je l’ai trouvé en rayon, je l’ai pris, j’ai regardé les bouquins puis je me suis dirigé vers la sortie Silence radio à la main. Deux types – des noirs, déjà à l’époque – m’ont demandé de les suivre dans un petit local sans fenêtre, bardé d’écrans de vidéo-surveillance et en liaison directe avec les flics. J’ai dit que j’étais ailleurs, que j’avais pas fait gaffe, que j’avais de quoi payer. Ils m’ont cru je pense, j’avais l’air perdu, je puais, je n’avais pas mangé depuis deux ou trois jours alors ils ont contrôlé ma pièce d’identité, j’ai payé le cd et j’ai pu partir et dans mes dix mètres carrés dégueulasses, je n’avais plus de quoi écouter de la musique évidemment. J’attendrai quelques mois avant de l’écouter ce disque. D’être impressionné par la cohésion de l’ensemble. Par sa brutalité froide. Ce type m’a toujours paru être le plus intéressant dans Noir Désir. Le plus radical. Ce qu’il confirmerait une poignée d’années plus tard avec l’extraordinaire On croit qu’on s’en est sorti.

C’était début 1996. Mi 96, j’ai bradé tous mes disques histoire de pouvoir m’acheter du tabac et des pâtes. Silence radio n’a pas trouvé preneur. Début 2000, j’ai à nouveau bradé disques et livres et pareil, Silence radio m’est resté. Je l’écoute encore de temps à autre. J’aime l’objet, le graphisme, l’alternance de morceaux faussement calmes et de morceaux enragés. Je continue à le suivre, d’Interzone à Zone libre, et la dernière fois que j’ai croisé Serge Teyssot-Gay je revenais du karaté et j’attendais au feu rue de Ménilmontant, il est passé en vélo devant moi tout de noir vêtu et j’étais à deux doigts de le remercier pour tout mais je n’ai pas osé le déranger, il lui restait quelques bonnes centaines de mètres à grimper encore.

Saint-Aygulf, décembre 2019

NB : pourquoi écrire aujourd’hui sur un album paru il y a 25 ans ? parce qu’à l’époque j’étais jeune et désespéré alors qu’aujourd’hui je ne suis plus jeune ? parce que les émotions étaient plus intenses alors, surtout le ventre vide ?… mais pourquoi écrire déjà ? pourquoi continuer ? il n’y a pas de projet, il n’y a pas de message. juste l’envie parfois d’exprimer ma reconnaissance aux personnes qui m’ont aidé année après année. merci à vous & à la prochaine. portez-vous bien.

Paris, février 2020

Gilets jaunes, un an, Place d’Italie

Ok ça ne sert à rien. Un peu de bruit, un peu de fumée. Quelques heures de bordel. Des trucs qui crament : poubelles, trottinettes et vélos électriques, panneaux publicitaires. Quelques vitres étoilées. Des tags sur les banques et les fast-foods. Ok ce n’est pas la révolution. Pas de grand soir à l’horizon. Ok ça ne changera rien. Ils continueront à tout détruire. A rendre ce monde chaque jour plus injuste, plus dégueulasse. En affichant toujours leurs mines satisfaites. Et les médias continueront à leur servir la soupe tout en fustigeant les « casseurs » et les « black blocs ». Non seulement ça ne changera rien mais il y aura des blessés, des personnes tabassées, arrêtées, des amendes, des gardes à vue. Des centaines de lacrymos viendront nous pourrir les bronches et autant de grenades prétendues de désencerclement blesseront aveuglément. Ils sont là pour terroriser, masqués, armés, motorisés, bénéficiant d’une impunité totale, ils ont les pleins pouvoirs et ils le savent. Sans eux, il y a longtemps qu’Élysée, Sénat et autre Assemblée nationale seraient en cendres. Ok je sais tout ça et celles et ceux qui sont avec moi le savent aussi. On connaît le coût de l’inutile et des batailles perdues. Oui mais.

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