avant les massacres je dormais mal
je dormais mal car j’étais amoureux
avant les massacres j’étais amoureux d’une jeune femme vivant dans le sud
une de ces villes où les gens se croient malins parce qu’ils ont un accent à la con et
se baladent en tee-shirt six mois par an
avant je dormais mal
je pensais à cette jeune femme vingt-cinq ans plus jeune que la mienne
et ça n’allait déjà pas très bien
avant les massacres je dormais mal et c’est pire aujourd’hui
cette jeune femme je l’aime encore
même si ça ne sert à rien
même si ça ne veut rien dire
je l’aime encore même si elle ne répond plus à mes mails
même si elle est en couple et
n’a jamais eu envie de tenter quoi que ce soit avec moi
elle n’y a même jamais pensé
c’est ridicule comme j’ai pu y croire
c’est mignon comme j’ai aimé y croire
peu importe
mes fantasmes ont la peau dure
idem mes insomnies
je ne suis pas prêt encore
à me satisfaire du quotidien
la nuit tombe toujours trop tôt
et la nuit à chaque sirène
mes mains recommencent à trembler
avant je dormais mal et c’est bien pire aujourd’hui
avant je dormais mal mais enfin ça n’avait rien à voir
il m’arrivait de dormir cinq ou six heures dans la nuit
maintenant ça ne dépasse jamais trois
ce n’est pas beaucoup trois heures de sommeil par nuit
ce n’est pas beaucoup
ce n’est pas assez
quand je suis à jeun je me dis que c’est peut-être le manque d’alcool
quand je suis chargé je me dis que l’alcool ne me réussit pas
je regarde l’heure
j’attends
de guerre lasse je prends un café
une douche
l’ordinateur et le casque
un café encore
pour écrire en musique un nouveau texte tout aussi dépressif que le précédent
et la journée évidemment
la journée est longue et
je n’y suis bon à rien
bon pour personne
décembre 2015/février 2016, Behonne-Paris