Ah, anti, anticapitaliste

Il faudrait… et comme il y a dix ou vingt ans, chaque fois que je commence une phrase au conditionnel, j’ai envie de m’arracher l’avant-bras à coups de dents ou de me mordre un oeil mais je suis trop vieux ou fatigué ou trop les deux pour ne pas savoir que conditionnel ou futur ou présent ne change rien à l’affaire. Il faudrait, il faudra, il faut, ça reste ces petites résolutions auxquelles on s’accroche pour croire quelques secondes ou semaines que le combat n’est pas perdu. Lol. Mdr. Ptdr. Tout ce que vous voudrez. Croire qu’il est possible de changer quoi que ce soit. De modifier sa trajectoire. Prendre de bonnes résolutions n’est pas une option viable.

Nos vies contemporaines sont tout aussi routinières et normées que celles de nos arrière-arrière-grands-parents, nous avons simplement un niveau de confort matériel plus élevé – ce qui ne veut pas dire que nous vivons mieux -, un niveau de surveillance qui ne cesse de croître et une soif de consommer du divertissement sans limites et ça tombe bien, c’est exactement ce que le système actuel nous offre, c’est bien fichu. Et ça nous plaît. Ça marche. On serait dans la rue sinon. Armes à la main, visages masqués. Prêts à en découdre. On brûlerait ordinateurs et portables sinon. Banques et assurances seraient en flammes. On ferait des potagers à la place.


source : franceculture.fr

Dormons mal, ayons peur, bouffons de la merde pas chère et chaque jour ils nous proposeront en rayon de nouvelles références, une nouvelle appli, un nouveau smartphone, une nouvelle série, et chaque jour également de nouveaux dispositifs de surveillance que nous accueillons à bras ouverts. Craintifs et repus.

J’étais au cinoche ce matin. Une pub Google. Qui peut savoir quand tu es chez toi, quand tu te lèves, où tu es, qui sont tes amies. Et ce n’est pas une pub second degré qui la joue Orwell, 1984, non, c’est une vraie pub et il y a des millions de vrais gens qui vont utiliser ce produit et considérer qui oui, bon, la vie privée d’accord, mais c’est pratique quand même. Et puis toi, tu as un compte facebook non ? alors ? de quel droit tu critiques ?…

Détruire ce monde n’est pas un projet réaliste, non, mais s’en extraire ne serait-ce que quelques jours par an est devenu un combat épuisant. Je lutte et je perdrai la bataille. Je recule toujours un peu plus mais chaque jour où le gamin n’a pas encore un portable est une victoire minuscule. Chaque jour sans utiliser internet est une victoire minuscule. Chaque jour sans consommer. Sans croiser un flic. Sans utiliser une carte bleue, un pass navigo, un GPS. Apprendre à se déplacer sans laisser la moindre empreinte numérique. Naviguer hors écran et hors contrôle quelques heures est encore possible, profitons-en.

Ce monde dégueulasse tout. J’en viens à souhaiter plus de béton, d’écrans, de data centers, de smart cities, de lignes à grande vitesse et à haute tension, plus d’aéroport, de voitures connectées et de centrales nucléaires, et toujours plus de tourisme, perche à selfie obligatoire, plus d’hypermarchés, de parcs de loisirs géants et d’abattoirs industriels et nous serons heureux bien sûr, avec des applis sympas pour consommer encore un peu, encore un peu plus. Que ça s’accélère encore. Tant pis pour les ours blancs, les girafes. Les éléphants. C’est des conneries pour mômes tout ça, on s’en branle des girafes alors qu’un nouveau supermarché proposant la nouvelle machine Nespresso, hein, c’est autre chose quand même. C’est ce qui peut arriver de mieux je crois, que l’humain accélère son suicide.


source : lagazetteanimale.com

Paris, 8 et 9 juin 2018

 

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