Ça commence à bien faire. J’ai eu envie d’écrire ce texte dès que ce morceau a été mis en ligne, le 23 février dernier donc. Et ça va faire deux mois que je ne prends, que je ne trouve pas le temps, et ça m’agace car c’est typiquement le genre de texte qui peut avoir un tout petit intérêt s’il est écrit et mis en ligne rapidement. Donc tant pis. Ce ne sera pas abouti, ce sera bancal et ça manquera de finesse, de nuance, de tout ce que vous voudrez. Mais bon. Ça commence à bien faire donc voilà.
Ma femme est inquiète. Ça ne lui plaît pas du tout ce qui se passe. Les flics qui se croient tout permis. Qui défilent cagoulés armes au poing dans notre ville et quand nous on se permet le dixième, on s’en prend plein la gueule et des mômes se retrouvent en taule durant des mois. Les politiques qui n’attendent même plus d’être élu.e.s pour piétiner leurs promesses. Les socialistes qui ne méritent même plus la corde pour les pendre – bon, ça, ça fait longtemps quand même… La dégueulasserie morale sans limites des personnes qui se croient l’élite. Elle a peur je crois. Peur de ce soit de pire en pire. Et je comprends mais moi ça m’amuse tout ça. Tant que Notre-Dame des Landes tient, tant que Bure tient, ça vaudra le coup d’y croire encore un peu. C’est sûr, les marges de liberté sont de plus en plus réduites, de plus en plus temporaires, on est filmé, fiché, surveillé à tout bout de champ, on bouffe de la merde, on respire la même chose, on est gavé de pubs et d’occupations débiles – facebook, tablette, smartphone, tout est fait pour nous empêcher de nous poser, de réfléchir, d’oser perdre notre temps. Je lutte comme je peux. J’évite d’allumer l’ordi le week-end. Je lis de plus en plus de romans. Je joue de la guitare. J’apprends à mon môme à jouer aux échecs – enfin, j’essaye mais il préfère la tablette lui. Ouais, ça doit être dur de grandir là-dedans aussi mais je parlerai de ça une fois prochaine.
Ma femme est inquiète, je ne l’étais pas trop mais depuis que j’écoute en boucle le dernier morceau des Dead Boobs, Ta France, je doute, je finirais presque par m’inquiéter aussi. J’ai parlé des Dead Boobs déjà. Ils sont aussi importants aujourd’hui qu’ont pu l’être Les Cadavres ou les Shériffs il y a vingt ou trente ans. Ils et elle sont drôles, doué.e.s, excellent.e.s sur scène. Le dernier morceau s’appelle Ta France et dure trois minutes quarante parce qu’on entend Laurent parler à la fin. Il n’est disponible que sur youtube je crois. Posté le 23 février 2017, 532 vues le 15 avril à 13h05, 17 j’aime, 1 j’aime pas, 5 commentaires mais je ne suis pas là pour faire mon chercheur quantitativiste. Je suis là pour parler du dernier morceau des Deads Boobs et de pourquoi il m’inquiète presque plus que l’humeur elle-même inquiète de ma femme.
J’ai entendu ce morceau pour la première fois au concert donné en février dernier du côté de Saint-Lazare mais, comme souvent, le son était moyen – mention spéciale à la guitare de Laurent Humbert qui évoquait un scaphandrier vomissant dans son casque à moins mille mètres. Je n’ai rien compris aux paroles, faut dire que je surveillais mon gamin aussi, avec son 1 mètre 55 et ses quarante kilos – valeurs approximatives – tout mouillé, les premiers rangs étaient un brin agités. Il était excellent ce concert. Et pour une fois, on a échappé à la chanson à la con, comment tu t’appelles ? machin, le plus gros des enculés c’est machin. Super concert vraiment. Vivement le prochain.
Les Deads Boobs sont l’un des groupes les plus drôles qui soient même si, et je l’ai déjà écrit, une douce mélancolie imprègne certains textes (Amoureux de toutes les filles). Le morceau mis en ligne le 23 février dernier est le premier texte des Dead Boobs qui ne comporte pas la moindre trace d’humour. Le ton est sombre. Cela rappelle la fin d’À nos amis du Comité invisible, oui, les fascistes risquent de gagner la bataille. Bon, il y a les crédits. Je pourrais copier/coller l’ensemble et d’ailleurs ça le mérite : « Guitare/Chant/Texte/Musique/Talent/Célibat : Janlwi (mp si intéressée) », « Guitare/Chœurs/Classe Ultime/Fils de Satan : Laurent Basse/Fatigue/Lutte contre le Shampooing/Comptabilité : Estelle Batterie/Facéties/Démarche sympathique : Niko. » Il y la grille d’accords fourni après les paroles qui se termine par un lapidaire « Et pour les solos vous vous démerdez ». Déjà que j’ai du mal avec la grille d’accords… N’empêche que le texte est d’une noirceur et d’une justesse absolues. Et que trouver là-dedans la moindre raison de sourire est au-dessus de mes forces. Il ne reste plus qu’à s’organiser et à préparer les armes.
Ce morceau est un tube virtuel. Il est plus riche et pêchu qu’un Porcherie des Bérus. Et quelques milliers de personnes tout au plus l’entendront. C’est pareil pour Emma Pils, Enfance sauvage ou Mme Ex, l’underground n’a plus le moindre espace disponible. Ce morceau devrait être un tube. Et la France dont ils et elle parlent devrait crever – oui, ce n’est pas le cas et oui, ce pays pue chaque jour davantage. Et c’est vrai que ça finit par être inquiétant cette histoire…
Paris, avril 2017
Post sur fb : « Où il est question des Dead boobs, de ma femme et de mon fils, des flics qui manifestent cagoulés et de la France de merde dont laquelle on tente de vivre aujourd’hui – pour résumer quoi. Bonne lecture.
PS : et merci de ne pas commenter avec un débile, « bah t’as qu’à voter Méluche et la France ira mieux » parce que 1. je n’y crois pas un quart de seconde et 2. je ne suis pas inscrit sur les listes électorales. Merci & bisous. »