Enfance sauvage, 2015, Je suis un village la nuit

Je ne connais pas leurs noms, leurs parcours, je les ai vu une fois sur scène à la parole errante, le concert a commencé avec un retard énorme et ils ont abrégé leur set mais j’ai vu la playlist et ils n’avaient pas prévu de jouer Je suis lucide, dommage, dommage car j’en suis persuadé, cette chanson est l’une des branches à laquelle je me suis raccroché lorsqu’après le 13 novembre 2015 j’ai sombré, ce morceau a été une de mes rares béquilles avec quelques amies proches et ma femme et mon fils mais bon, le concert était extraordinaire, le son des deux basses résonne encore dans mon crâne et il est rare encore aujourd’hui que je voyage en train sans écouter au moins une fois très fort au casque Immeuble mou, Je suis lucide ou Nous les chiens. Cela me réveille, cela me rend vivant davantage. Enfance sauvage est avec Emma Pils et quelques autres l’un des beaux secrets de la scène alternative contemporaine.

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Je les ai vu par hasard la semaine dernière à la Comédia, enfin par hasard non, je voulais aller voir Casey dont le nouvel album enfin va sortir* mais c’était complet alors j’ai jeté un oeil à razibus et ça faisait des mois que je n’avais pas regardé, trop de manifs, trop de réunions politiques, pas le temps, plus le temps pour consommer de la rébellion punk dans les concerts à prix libre et c’est comme ça que j’ai vu que comme un abruti j’avais raté deux concerts d’Emma Pils à la Comédia, je suis vert, et j’ai vu qu’Enfance sauvage jouait et j’y suis allé et ce fut un bonheur, une fois encore, et ils n’ont pas joué Je suis lucide une fois encore.

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C’est un mystère pour moi ce groupe. Car enfin, du punk français, j’en ai des kilos en K7, vinyls et CD sur mes étagères, j’en ai minimum 1 Go sur mon disque dur et précieusement sauvegardé, j’en écoute depuis mes 15 ans, 30 ans que ça dure donc, j’ai lu x bouquins, x dizaines d’interviews, j’écoute les émissions spécialisées, qu’elles soient parisiennes ou provinciales, je traine dans les petits concerts à Montreuil, le punk français je connais un peu, j’ai parfois de bonnes surprises, le plus souvent je passe un bon moment sans plus. Mais entendre Je suis un village la nuit (2015), premier album du groupe Enfance sauvage, fut davantage une révélation qu’une surprise. Il est donc encore possible lorsqu’on commet du punk français d’écrire des textes subtils, de créer une texture sonore dense et brutale, de fournir plus de mélodies dans des chansons de deux minutes que dans l’intégrale de Oï Polloi – j’aime bien Oï Polloi, c’est le premier nom que me vient à l’esprit ce matin, c’est tout – et surtout il est possible de créer un album monde. Un quoi ? Un album monde : un album qui se suffit à lui-même mais il est deux sortes d’album monde : les reclus et les courants d’air. Les reclus, ce sont Berlin ou Nebraska, des lieux où l’on étouffe, où l’on est heureux d’étouffer, on les écoute dans la nuit noire, immobile, les joues en larmes. Les albums monde courants d’air se crient à tue tête dans la rue et donnent envie de courir tout en cramant des bagnoles de keufs, les courants d’air sont la musique du cortège de tête et rendent vivants et mobiles, énergiques. Merci à vous Enfance sauvage. Et vivement le prochain concert, et vivement le prochain album.

Je suis un village la nuit, 2015 : https://enfance-sauvage.bandcamp.com/
Site du groupe : http://www.enfance-sauvage.info/
Comme leurs amis d’Emma Pils, pas de page facebook. Quelques vidéos de concert correctes sur youtube.

Paris, octobre 2016

*Cette information s’est révélée fausse, hélas.

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