un endroit où désirer vivre

une forêt où se multiplient cabanes et barricades
troncs enlacées, pierres et barbelés parfois
tranchées…
des amies avec lesquelles je partage une heure ou dix jours de vie et que je ne cesse de croiser ensuite ou dont je n’ai plus jamais de nouvelles
vous me manquez autant que le bois



entretenir les cabanes et ramasser bois sec, mûres, champignons
parler des heures autour du feu tandis que chaussures et chaussettes sont mises à sécher sur les pierres

dès 5 heures 30 guetter la route, le Chaufour, le carrefour de l’antenne, se tenir prêt car la menace est permanente, gendarmes sont à l’affût et c’est devenu une habitude baisser la tête et se planquer lorsqu’on entend l’hélicoptère

chaque soir le même rituel : chaque affaire à sa place, la frontale nouée autour du poignée, chaussures prêtes à être enfilées, à portée de main, une couche de vêtements, un duvet, l’épaisseur de la couche de couvertures dépend de la saison, je suis monté à quatre en janvier dernier, et bien sûr, on ne dort que d’un œil

une forêt évacuée par 500 gendarmes en février dernier
les cabanes démolies
les amies dispersées et
je n’ai plus vraiment d’endroit où désirer vivre

Port-Marly, 13 mai 2018

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