en train, 2017

Les indications entre crochets visent à faciliter la lecture. Les trois points entre crochets signalent des coupures dans le texte de départ.

16/01/17, 20h30, hôtel Kyriad face à la gare, Rennes

C’est un carnet petit format (A5), couverture rigide, épaisses, et spirales, papier recyclé – le logo est à chaque page -, offert par Open éditions lorsque pour eux, j’ai évalué une revue afin d’aider à décider si oui ou non cette revue pouvait être hébergée sur revues.org. Ça fait partie de mon boulot. J’ai reçu à mon domicile les trois derniers numéros imprimés, un stylo bille bleu, et ce carnet. Il comprend entre 60 et 70 pages. Je n’ai pas compté, ce n’est pas indiqué. C’est un carnet, c’est une contrainte. À chacun de mes déplacements professionnels, l’avoir sous la main et brique après brique, le remplir. S’obliger chaque fois à noter ne serait-ce qu’une ou deux lignes. Ce n’est pas un journal. C’est un carnet de notes en mouvement. Une page sur deux, celle de droite, sera écrite et numérotée à la main en bas à droite. Celle de gauche servira servira pour les ratures, les ajouts et corrections éventuels, lorsque je déciderai de mettre en ligne tout ou partie de ce carnet. Si j’estime que ça en vaut la peine. Si j’estime que cela peut présenter un petit intérêt vaguement littéraire. Si j’estime que deux ou trois personnes de mes connaissances peuvent y trouver une occasion de sourire. Je n’ai pas dormi la nuit dernière, j’étais malade. J’ai assuré tant bien que mal mes six heures de cours aujourd’hui. Trois demain matin puis taxi puis attendre puis tgv puis Montparnasse puis métro, ligne 4, Les Halles, ligne 11, Belleville, 600 mètres supplémentaires à marcher puis la maison enfin où la machine à laver est toujours en rade, il faudra virer le sapin aussi. D’habitude je le vire à l’épiphanie, on a traîné cette année. Je n’ai rien à écrire. Je n’ai rien d’autre à faire. J’ai envie d’écrire. Un carnet, une contrainte. Un projet.

20/01/17, tgv Paris-Lyon. autre train, horaire plus tardif, les gens bossent, moi aussi en écoutant des vieilleries, Doors, Hendrix et le Velvet, un café une demi-heure avant l’arrivée, ça pue le cadre dont sociologiquement je finis par faire partie malgré mon sweat noir à capuche et à manches trouées. Encore un train grande vitesse. Une réunion. Un autre train, une autre réunion. Je fais mon job, je suis payé pour le faire. Et les billets de train sont payés par le job et la fatigue, et la lassitude n’en sont que les effets secondaires. C’est rigolo mon job. C’est deux jours à Rennes en début de semaine et une journée à Lyon en fin de semaine. Et si j’étais un vrai cadre avec un vrai salaire de cadre – le mien fois trois en gros, sans compter les à-côtés – ce serait en gros pareil avec d’autres fringues et des passages de frontière plus fréquents. Mais ici encore, je peux me rassurer. Je peux prétendre œuvrer pour le bien commun. Alors que vrai cadre, non je ne pourrais plus. Déjà là, souvent je me dis que j’étais bien plus utile avec une blouse en maison de retraite. Quand j’étais AS [aide-soignant].

Et ce 23 janvier dans le tgv Rennes-Paris, j’écoute Bruit noir et ça faisait longtemps, pas loin d’un an je pense, L’usine, Joy division et j’adore sa voix, ses textes, son humour, et je me souviens qu’après le 13 novembre 2015, j’ai voulu écrire des chansons et ça n’a pas duré très longtemps même s’il m’arrive régulièrement de brancher l’ampli, la guitare et de faire du bruit. Nuit. 19h40. Froid. Fatigué. Du boulot par dessus la tête et pas franchement l’envie de m’y coller et la machine à laver toujours en panne et je n’aime pas le train côté fenêtre, il faut gêner pour bouger. Une journée, six heures de cours, quatre heures de train et j’ai pu dormir de 23h à 4h40 et je ne me suis pas rendormi et d’accord c’est bien payé, c’est intéressant mais est-ce que ça en vaut la peine ? cette fatigue. Ces heures à attendre. Et ces cours où souvent je me dis que je ne suis pas très bon. Manifestation. Lorsque j’écoutais ça l’année dernière, je n’avais pas fait de manif depuis des années, et là quelques dizaines de manifs plus tard, tous les rassemblements sont débiles et j’adore ce morceau et j’attends la prochaine grosse manif, le prochain cortège de tête avec impatience.

27 janvier 2017, vendredi, 7h35 et un trajet que je connais mal, que je fréquente une fois par an à peine. Paris-Lille mais la nuit noire empêchera de saisir la moindre nuance du paysage. Et j’y pensais ce matin, et j’y pense régulièrement, notamment lorsque je vais donner des cours à Bruz, en banlieue rennaise. Je me dis que je peine. Lever à 5h10, je peine. Il me faut des jours pour m’en remettre. Et je me rappelle qu’il y a vingt ans, je prenais le premier métro pour aller bosser en banlieue lointaine, en banlieue parisienne et le plus souvent la veille j’avais fait la fermeture du bar et dans mon souvenir, ça allait. Je tenais la route je veux dire. J’étais plus résistant. Plus jeune. Et ça tombe bien d’avoir réussi à changer de boulot car je crois que prendre souvent le premier métro pour taffer, je n’y arriverais pas, ou pas longtemps. Le tgv part. Je vais bosser.

39 janvier 2017, 19h00, tgv Rennes-Paris, Mon dragon
les mêmes conditions
les mêmes conversations
les mêmes absences de conversation
les repas médiocres et les cafés à la chaîne
train taxi cours taxi train
je passe le métro
je préfère passer le métro où je ne fais même plus semblant de sortir un livre – j’attends juste
debout si possible
la fatigue se fait plus nette
plus pesante
je compte les heures et me gamelle honteux dans les derniers mètres et je voudrais demander pardon avant de fuir
je me gamelle en beauté
je ne dis rien
range mes affaires
leur souhaite une bonne soirée, une bonne semaine, peu importe, j’ai été mauvais, j’ai été mauvais, mon cours était nul et pendant deux heures ce refrain me hante et il me faudra écouter fort et à deux reprises Mon dragon, Karassu Tengu No Kodomo (whatever it means) pour enfin entendre autre chose et même
malgré la fatigue, l’envie de boire, fumer, l’envie de sauter du balcon, malgré tout ça Mon dragon me fera sourire et une fois encore, je me dis qu’il faut vraiment que je me renseigne sur ce groupe
il faut vraiment
il faut vraiment
et lisant les notes de pochette j’y croise une Marianka et je n’en connais pas cinquante, j’en vois une chez Enfance sauvage et plus j’écoute Mon dragon et plus je regrette de ne pas les avoir vu sur scène
sail away / there’s nowhere to go et j’attends, j’écoute en boucle, j’écris en boucle, je ne suis pas pressé car bientôt, il n’y aura plus de musique et je serai chez moi encore juste pour boire puis dormir
3×45
comment ont-ils et elle fait ça ? toujours la même question. comment ils et elle arrivent à produire ces merveilles ? encore une heure. encore une heure de train. je n’en peux plus, je n’ai plus envie de rien, je n’ai plus d’envie et je suis vide et n’ai rien à faire, à lire, à écrire mais il me reste heureusement de la batterie pour écouter en boucle Mon dragon jusque Montparnasse
la vie tu vois
n’est pas totalement dégueulasse

2 février 2017, 7h49, Saint-Lazare à attendre le départ du ter Paris-Le Havre et Jamais debout, toujours par terre des Vieilles salopes au casque – groupe formidable au nom consternant. Il y a deux options sur cette ligne : les vieux wagons grisâtres, pas de tablette au dos des fauteuils en deuxième classe, et les nouveaux aux couleurs Lego. Dans les deux cas, les chiottes sont fermées une fois sur deux, dégueulasses l’autre.
2 février 2017, 7h53, on part, j’ai pris l’appareil photo aujourd’hui et j’aurais dû le faire plus tôt pour documenter un minimum mon quotidien, mes environnements de travail, car je n’en reviens pas d’avoir supporté si longtemps ce bureau crasseux dont je n’avais même pas la clé. […]
7h59 la nuit commence à peine à s’éclaircir. Petite chouille. grand morceau, très beau texte. La fatigue s’impose. Fermer les yeux. Se laisser porter. Chacun chez soi, chacun tout seul. 8h49 L’infanterie sauvage. Bords de Seine live. Ce train est parfait pour écrire, jamais de voisin.e.s indiscrèt.e.s. Juste il y a des matins comme celui-ci où je préfère ne pas écrire. Ce n’est pas une affaire d’inspiration ou que sais-je. Il n’y a pas d’inspiration à attendre. Il n’y a que du travail et souvent la fatigue est plus forte que l’envie. Arrivée dans 2 ou 3 morceaux. 20 ans dans les Ardennes et Nous les chiens feront l’affaire.
18h41, un vieux wagon vert et gris, Bolchoi, 2004, séquence punk français aujourd’hui. Reprenant ce début de roman commencé en 2015 et que j’achèverai en 2020 si tout va bien. Si je m’accroche. Si je travaille. Si je parviens à me persuader que ça en vaut la peine. Si je ne me laisse pas décourager. Un poème j’y arrive parfois. Une nouvelle toute courte aussi je crois. Un roman… J’en ai écris quatre. Le dernier, c’était en 2000-2001. Je n’avais ni femme ni enfant ni boulot ni argent pour acheter de quoi boire. Je n’avais pas non plus de connexion internet. J’avais du temps à l’époque. Et la seule porte de sortie c’était l’écriture. Cela avait un sens. Je me suis créé une autre porte de sortie. Le gamin. Le cnrs. J’ai de quoi me payer mon whisky. Un profil Facebook. Un ordi performant. Plein de films et de séries et de disques téléchargés. J’ai de quoi me distraire 2 ou 3 ans en y consacrant 100% de mon temps. Alors l’écriture d’un roman, où il faut à chaque pas reprendre. Douter. Déchirer dix pages pour en tirer un paragraphe qui tienne la route. Et pour quoi en faire ensuite ? le poser sur devierlestrajectoire.net ? je ne sais pas.
Souvent j’attends quelque part. Un bus. Un train. Que mon fils sorte de son cours. Un métro, peu importe. Quelques heures chaque semaine je pense et chaque fois des phrases surgissent. Défilent. Se superposent. Je ne les note pas, je les laisse filer. Disparaître. Je me suis longtemps persuadé que si vraiment certaines tenaient la route, je saurais m’en rappeler et c’est faux. Bien sûr c’est faux. Ce sont des moments vides où mon cerveau se fait disponible. Ça n’a pas vocation à devenir poème ou texte. Un texte, c’est saisir quelques mots et tenir concentré jusqu’à épuiser leur potentiel, si maigre soit-il. Les mots d’attente n’ont pas de consistance et ce serait les trahir que de les figer. Enfin je crois.

13 février 2017, 08h08 dans le tgv en direction de Rennes, dernière journée de cours, je n’en peux plus, impossible de dormir encore et en boucle je ressasse mes cours sont mauvais mes cours sont mauvais je suis fatigué… et hier le gamin à 12h58 à Austerlitz voyageait seul en train pour la première fois, il était fier. Il avait raison. Pas envie d’allumer l’ordi. Si j’avais le courage, j’irais prendre un café mais c’est loin, voiture 5, je suis en voiture 10, je ne m’imagine pas tanguer 5 voitures mon sac noir miteux à la main – les fermetures lâchent les unes après les autres, il faut en changer. Une semaine de vacances, je viens de prendre une semaine de vraies vacances. J’ai vérifié les mails pour venir en aide si besoin aux étudiant.e.s, c’est tout. Sinon cinoche, manifs et guitare. De vraies vacances. Une semaine. Et il suffit d’un lundi comme celui-ci pour que la fatigue emporte à nouveau tout sur son passage. Envie de dormir. De tout arrêter, de rentrer à la maison dormir. Je ne voulais pas boire pendant ces vacances et je n’ai pas réussi. […]

Après Laval, au bar, un café, 2 euros 50, j’ai remonté 3 voitures en courant sur le quai, en ai traversé 2, ça valait le coup.

l’impression que je m’enfonce n’est pas une impression
l’impression de me perdre un peu plus chaque jour
de ne plus très bien savoir
ce que je vaux
ce que je veux
ce que je cherche
l’impression que la vie me file entre les doigts et que le whisky aggrave le processus de délitement dans lequel je me noie sans rien tenter ou si peu
j’ai écrit
j’ai envoyé des messages
j’ai pris des rendez-vous
je m’accroche aux branches
j’essaye de monter des projets
il en est d’autres que j’abandonne en croyant avoir pesé le pour et le contre et c’est faux
c’est juste la fatigue qui m’emporte
se concentrer alors sur ce qui paraît valoir le coup n’est plus un choix mais une tentative pour survivre et tenir quelques jours ou semaines de plus
même si je ne sais plus pourquoi
tenir compte
même si je ne crois plus un seul instant que ce cirque mérite tous ces efforts
je suis perdu
finis mon café
nous arrivons à Rennes et j’ai autant envie de vomir que de dormir
vivement ce soir
la fin
la nuit
vivement le tgv Rennes Paris de 18h04
vivement
et si cette journée pouvait disparaître maintenant
ce serait presque l’idéal
je crois

19 heures et quelque. 13/02/2017 Rennes Paris. […]. Nuit noire. Froid. Peur. J’ai la peau moche. Envie de me l’arracher. […] Nuit noire. Froid. Nuit noire. Froid.

9 mars 2017 Paris Rouen et la semaine dernière lors du trajet retour, C. avec qui nous n’avons pas pris le temps de discuter depuis des années m’explique qu’elle a ce qu’elle veut, elle a atteint ses objectifs et ça pourrait s’arrêter maintenant, ce ne serait pas grave. Je comprends. Sauf que ça ne la fait pas déprimer et je ne sais pas pourquoi. Samedi, dimanche, une bouteille de Paddy. Lundi, mardi, une bouteille de Johnny Walker. Hier soir, pause. De l’eau. Beaucoup. Pas de boisson sucrée. Pas de bière. De l’eau. Et, alors que ma femme dort sur le canapé, pour me laisser dormir dit-elle, je ne dors pas. À jeun je ne dors pas. Pas beaucoup. Pas longtemps. Me réveille sans arrêt. Me promène de fantômes de souvenirs et un rêve parvient parfois à se faufiler. Pas bu, pas dormi. […]

20 mars 2017 tout prêt d’Aix voiture bar 12h00 ? envie de crever. Ce monde est dégueulasse. Et ça ne s’arrange pas.

30 mars 2017
Dans le Paris Rouen une fois encore, 7h53, Saint-Lazare, cette gare est un atroce centre commercial sur trois étages et je ne me souviens plus comment c’était avant, en 1993, lorsque chaque jour j’y passais pour rentrer chez moi au foyer. Je ne sais plus. C’est vieux 1993. 7h53, Saint-Lazare, arrivée 9h02 à Rouen rive droite puis j’irai prendre le bus F2, F comme Fast jusque Place Colbert, je passerai à la boulangerie – ils ont fait des travaux le mois dernier, tout est bien vitré comme il faut maintenant – prendre une viennoise nature, un euro, et un expresso, sans lait sans sucre, 1 euro 30, merci, j’aime bien les serveuses, elles sont efficaces et aimables, puis je marcherai jusque l’IRED [personne ne sait plus ce que ces initiales désignent, j’y bosse et j’y discute quand je vais à Rouen] en buvant mon café en me demandant comme toujours qu’est-ce que je suis venu foutre ici avant de me répondre, tu savais où tu mettais les pieds, oui mais quand même, je ne savais pas à quel point ce serait décevant. Je tranche les derniers fils un à un. Je referai ce trajet jusque décembre, et l’année prochaine aussi. Début 2019, je change de lieu de travail. Je retourne d’où je viens. Paris. D’où je suis depuis 1993. Début 2019. Ça passera vite je le sais mais ce p*** de trajet en train, j’en ai ras le bol, je n’allume même pas l’ordi, je n’écoute même pas de musique, j’en ai assez d’être là, wagon calme, grand ciel bleu, nous venons de dépasser Mantes-la-Jolie et j’en ai assez. Je n’ai plus rien à faire là-bas. Je n’ai plus de projets. Je n’ai pas vraiment d’ami.e.s. J’ai quelques collègues sympas mais nous ne construisons rien ensemble. Je file un coup de main de temps en temps aux précaires, aux doctorants et doctorantes. Ce n’est pas grand chose. […] Dans le Paris Rouen une fois encore et il y a 2 options de train – je l’ai écrit en février déjà, je me répète – à cette heure-ci, le train sinistre, wagon à deux étages, pas de tablette pour poser l’ordi, fauteuil au tissu de couleur vert sombre et l’option Lego, couleurs vives, gris Lego, vert pomme, rouge vif, il y a des tablettes donc c’est mieux et c’est plus récent et une fois C. au retour n’avait dit qu’elle ne supportait pas ces trains, que c’était infantilisant. Oui. J’imagine qu’ici on est filmé à peu près partout. Nous sommes dans un parc d’attraction. Tout est fait pour passer un bon moment. Tout est prévu, tout est sous contrôle et nous mourrons d’ennui et ce matin, ce qui arrive rarement, nous sommes dans le train Lego. D’habitude, c’est poubelle le matin et Lego au retour – il y a du soleil. Le train se traîne. Mes voisins – ce sont tous des hommes – immédiats semblent travailler sur leurs ordinateurs portables. J’écris une phrase de plus. Marre de ce trajet, de ce train, je ne crois plus en l’écriture, un tic, une sale manie. Comme gratter mes croûtes un peu.

1 avril 2017 entre Toulouse et Saint-Raphaël, 15 ans que ça dure ce trajet. Déjà ça commence à Gare de Lyon et je hais cette gare, trop de pubs, de gens, de flics. 15 ans. Et plus ça descend et moins j’aime les lieux, villes ou campagnes.

20 avril, 7h05, Montparnasse, direction Nantes, j’irais bien à NDDL [Notre-Dame-des-Landes] mais je stoppe au Mans où je vais écouter des historiens causer abbayes cisterciennes en essayant d’improviser des remarques pertinentes pour justifier le coût de ma venue… Mais fatigué et autant envie d’y aller que de me pendre. Je viens d’acheter un paquet de Marlboro longues, rouges, ça devient un réflexe quand je suis hors Paris et c’est idiot mais vapoter est idiot aussi et tant que ma famille l’ignore, ça passe. 1h10 de train. Je pourrais écrire. Lire. Réfléchir. Écouter de la musique. Trop crevé. Mal dormi, comme chaque fois que je prends un train à 7 heures et des brouettes à Montparnasse. Je n’aurais pas dû accepter. Je l’ai fait, j’étais flatté qu’un historien que je ne connais pas me contacte – en fait c’est L. qui a donné mon nom, contactée la première, elle n’était pas disponible… Il me faut écrire sur le travail. Ce que j’y vis. Ce que j’en pense. Il me faut écrire les textes les plus compréhensibles possibles sur ce taf, ce qu’il est, ce qu’il implique, ce qu’il devient. Et les aberrations actuelles. […] Annonce du départ imminent. Le Mans, Angers, je me rappelle les Thugs et je vérifie sur mon e-billet imprimé format A4 que c’est bien au Mans que je vais, je ne savais plus, j’avais oublié, wagon semi vide, un type tape fort sur son clavier derrière moi, pas de quoi allumer l’ordi et mettre le casque. Pas encore. Voudrais dormir mais n’ose pas le faire. Fatigué… Déprimé aussi, un peu.

20 mai 2017, matin, 9h00 et des brouettes à Marseille entre l’hôtel Adagio rue Honorat et la maison des astronomes (?) […] et hier dans le train j’ai lu beaucoup, trié des dossiers un peu et je n’ai rien écrit, je n’ai rien eu envie ou besoin d’écrire et avant-hier un commentaire sur devierlestrajectoires, une inconnue qui attend une suite à #NiPatrieNiPatron et ça flatte mon petit orgueil de savoir que quelqu’un quelque part lit mes bêtises… Puis je retombe dans ma mélancolie habituelle, tout ceci ne sert pas à grand-chose et apporte bien peu de plaisir tous comptes faits.


Bure, 18 février 2017

28 septembre, 14h21, le TGV vient de quitter Toulon et le couple d’anglophones à ma gauche continue de parler fort, il n’a pas cessé plus de 5 minutes depuis Paris, encore 1h30, envie d’un café, d’être arrivé, de retrouver mon amie S. à Nice. […] Mardi j’étais à Rouen. Mardi je serai à Rennes. La semaine suivante je retourne à Bure. Ces déplacements m’ennuient. Même prendre le métro j’évite désormais. Je n’écris plus ou presque. J’écris sur les manifs, sur Bure. J’écris politique. Parce que je ne vis rien d’autre. Il n’y a plus de désir, de passion. Juste l’envie de détruire ce monde et la rage de savoir la tâche impossible. Alors je bois. J’essaye de limiter à une bouteille de Paddy par semaine mais souvent c’est deux. Mon corps fatigue. Je sens ou crois sentir mon foie gonfler. Et je m’en moque. Pas envie de durer.

18 octobre, 2017, Bure, vigie sud
L’expérience poético-ferroviaire a pris fin peu à peu. Je voyage de moins en moins. Je ne vais plus à Rouen que contraint : des papiers à signer, des colloques où je cause. J’évite de plus en plus le train. Lorsque je ne peux y échapper, le seul fait de prendre le métro m’épuise et dans le train, je ne sais que dormir et au mieux écouter de la musique ou jouer en ligne. Je lis. Je corrige. Au retour, je mets en ligne ce que parait pertinent. Et basta !

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