en pleine lumière

tout est maintenant rentré dans l’ordre
les malentendus sont levés
les ambiguïtés
tout est plus clair
à la limite de l’ennui
lorsque je fume au balcon
je n’ai plus personne à qui penser

c’était un joli rêve
un fantasme agréable
ils ont peuplé mon quotidien trois années durant
ils ont rendu ma vie plus belle
plus intense et
je les vois crever en pleine lumière
vous me manquerez
vous me manquez déjà

c’est vrai qu’à la fin c’était n’importe quoi quand même
c’est vrai qu’il fallait arrêter ça
le fantasme doit nourrir le quotidien et non le pourrir
je ne vivais plus que pour la voir
l’entendre
passer mes soirées en sa compagnie
espérant un signe
et je pouvais attendre longtemps
c’était ridicule mon affaire
jamais l’idée de passer une nuit en ma compagnie ne l’a effleurée

à trois heures dimanche matin je lui écris
imbibé d’alcool
impossible d’être saoul pourtant
j’ai besoin de savoir ce qu’elle en pense de mes désirs
de mes textes
de tout ce que je cherche à lui dire sans y parvenir
je n’en peux plus qu’elle fasse comme si de rien n’était
réponds-moi j’en crève
réponds-moi s’il te plaît
et dépêche-toi
s’il te plaît dépêche-toi
je relis x fois puis j’envoie puis j’attends et rien ne vient

elle répond lundi
toute une page – je fais des sauvegardes aussitôt
je lis en tremblant
elle ne se doutait pas
elle me voit comme un modèle
comme un grand frère
jamais comme un amant possible
elle écrit des choses bizarres aussi
je ne ne comprends pas tout je sais juste que
nous devrions pouvoir rester amis

je devrais pouvoir cesser de ne penser qu’à toi
j’ai commencé déjà et c’est vrai
c’est plus confortable – et au fond ça m’écœure un peu

le vendredi 13 novembre 2015 on déjeune ensemble
on en parle autour d’un café et c’est difficile
parler je n’ai pas l’habitude
je ne sais pas bien faire
à défaut d’être spontané je tente d’être honnête
elle sourit
elle n’a jamais été aussi belle
et c’est terrible de la regarder et de se dire que jamais je ne passerai une nuit en sa compagnie
c’est terrible quand un rêve se fracasse sur le réel
c’est terrible de ne plus pouvoir espérer quoi que ce soit
ma vie m’emmerde je lui dis avant d’ajouter
ce n’est pas grave, j’irai fantasmer ailleurs
elle répond qu’elle ne pensait pas être substituable si vite
je ne dis rien
elle ne saura jamais ce qu’elle représente pour moi et ça non plus ce n’est pas très grave

elle passe l’après-midi au bureau

on se quitte avec le sourire près de l’avenue de france et le soir devant mon ordi alors que j’écoute Et basta de Ferré – « Ni Dieu, ni maître, ni femme, ni rien, ni moi, ni eux et Basta! » – alors que je lui écris un message de plus où j’essaye d’expliquer que substituable n’est clairement pas le terme adapté je vois que ça mitraille que ça tombe je sais qu’elle boit un verre quelque part et mon message part à la corbeille et je lui envoie des mails et je l’appelle et quand enfin elle répond ils sont coincés dans un café ils ne doivent pas sortir ça flingue au dehors et elle n’est pas bien elle n’a pas envie de parler mais elle est vivante c’est le principal et depuis je ne cesse de pleurer

lorsque je fume au balcon
j’avais promis à mon gosse d’arrêter mais là non ce n’est juste pas possible
lorsque je fume en tremblant au balcon
je ne parviens plus à penser
je laisse les larmes couler sur mes joues

Paris, entre le 10 et le 20 novembre 2015, août 2017

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