Virginie

[petit feuilleton romantico-amoureux en 7 + 1 épisodes]

Joli mensonge

la douceur folle de ces nuits où je ne sais rien faire sinon te regarder dormir en paix
impossible de geste
fermer l’œil
m’ennuyer
incapable de penser à autre chose qu’à toi et tu t’en fous royal tu dors et ronfles et rêves et tu as raison bien sûr et si j’étais moins bête je ferais de même mais non ça ne se passe pas comme ça
la nuit s’éclaire chassée
j’attendrai tes charmes au dehors
à la lisière

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Élégie n°2

tu reviendras me tailler les veines plus tard j’ai une pinte à finir
des gens à qui parler aussi
s’ils daignent m’écouter
ce soir l’affaire est d’importance
l’échéancier rigoureux
mauvaises chansons
mauvais parfums
mauvaises vibrations et je ne suis pas présentable
les cheveux trop courts
ma veste rouge et noire
j’ai bu aussi
mon haleine sent
qu’avons-nous fait et
qu’attendons-nous pour cesser sinon un coup de pouce charitable
il ne viendra pas

tu te réjouiras une fois prochaine

elle devait être là elle n’y est pas
alors perdre mon temps et aujourd’hui et dans l’ensemble je me hais
c’est étonnant le nombre de nanas qui sont géniales
c’est étonnant comme je suis nul souvent
et je ne me lasse pas de mon étonnement

tu reviendras me tailler les veines plus tard
pour elle
je veux bien vivre encore un peu
jusqu’à son retour déjà

une petite brune accroche son manteau
je pense à toi bien qu’elle soit plus jolie
elle picole moins aussi
mais son mec arrive aussitôt
j’ai souhaité notre bonheur et tu n’en voulais pas

chercher à se plaire
arpenter les carrières
la mère de mes enfants s’y promène peut-être
sinon je prendrais des photos

carriere

Paris, janvier – mars 2000

déclaration d’intention

Chaque fois que je prends un crayon, c’est toujours un peu la même chose. Des expressions comme des tics, de sales manies. En vrac et dans le désordre : « il faut », « il faudra », « il faudrait ». J’use et  abuse des conditionnels, des mots d’ordre pour et par moi ressassés. Et puis les négations plus comme : « je n’écris pas comme il faudrait », « je ne vis pas comme je le souhaiterais ». Des tics. De sales manies. Il faudra un jour savoir s’en débarrasser. Oui. J’use aussi des futurs indéterminés et des pronoms indéfinis : un jour, une nuit, une femme, une bière, un whisky. Un jour j’y parviendrai. Ce soir ou demain.

Paris, 31 août 2011

À Venise

Je sais, j’aurais pas dû, c’est mal. Mais sur l’instant, j’ai eu l’impression qu’elle ne me laissait pas le choix. Ce n’était pas dans ses habitudes d’ailleurs… Et puis merde quoi, elle l’a bien cherché après tout, elle est autant responsable que moi dans l’histoire car enfin ça faisait cinq ans que je m’écrasais dans mon coin, que je veillais à ne pas prendre trop de place, cinq ans que je préservais sa précieuse liberté et que je payais les factures, cinq ans que j’allais bosser tous les jours, lever à 6 heures, une heure de transport aller, une heure retour, un boulot à la con d’ailleurs, cinq ans que je faisais les courses, la bouffe, le ménage, cinq ans que je lui offrais des cadeaux, des voyages, cinq ans que je l’invitais au restaurant et tutti quanti. Et pour quel résultat ? Continuer la lecture de À Venise

Tentative touristique

Il faut écrire au moment où ça se passe. Au moment même. Faire le plus court et le plus précis possible. Après c’est perdu, quoi qu’il arrive. Qu’importe si écrire empêche de vivre le moment présent. Oui.

La santé, c’est moyen. La santé physique je veux dire. Il y a la peau, localement à vif. Il y a les yeux, rouges, abîmés. Il y a les dents. Les gencives qui reculent. Il faudrait arrêter de fumer mais je ne parviens même pas à l’imaginer. Le moral est pire. Je ne me plains pas, j’ai connu des heures plus sombres. Continuer la lecture de Tentative touristique

La fraude réanimation (premier étage droite)

Elles parlent de leurs enfants du matin au soir et je ne dis rien. Je n’en ai pas. Leurs enfants et leurs maris. Je vis seul, je ne baise plus. La moitié des entrants sont alcooliques et elles en rigolent. Elles ne comprennent pas et jugent. Chaque soir, après le boulot, je passe à l’épicerie du coin acheter mes 2 bouteilles de 12°5, sinon je ne dors pas. Sinon je tremble ou cauchemarde. Je ne dis rien. Je ne vais pas tarder à les haïr et c’est dommage, pour une fois mon travail m’intéresse. Ce n’est pas si fréquent.

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Pour nous

Pour nous ce n’est pas facile tout ça, c’est loin d’être gai. Le monde normal. Niveau d’études à peine secondaire. Troisième plus zéro. Les standardistes. Les aides-soignantes. Les caissières. Les femmes de ménage. Les serveuses. Les contractuelles et les hôtesses téléphoniques. Les CDD à temps partiel, horaires flexibles. Les studios de vingt mètres carrés, pas de baignoire ni de terrasse, pas non plus de cuisine américaine, au mieux l’ascenseur et une concierge, souriante parfois. Continuer la lecture de Pour nous

Pau Lorca (version courte)

Note : si cette maison de retraite paloise a existé, et existe peut-être encore, il va de soi qu’aucun des noms ou prénoms présents dans ce texte de fiction ne correspond à une personne réelle, décédée ou vivante.

***

Ça se passait toujours de la même façon. À peine étais-je entré dans le poste de soins pour prendre les transmissions, mon bip sonnait. Chambre 10. Alors, le plus calmement du monde, je l’éteignais. Continuer la lecture de Pau Lorca (version courte)

Paris-Londres

– S’il te plaît mon vieil amour, mon enfant, s’il te plaît tords-moi le sexe tel je te tordais le visage, et je ne trichais pas… Je n’exagère jamais, tu le sais bien. Tu as eu tout le temps de t’en rendre compte et parfois même tu ajoutais, je te connais comme si je t’avais fait et à mon avis, ça ne voulait rien dire, c’était plus stupide que prétentieux mais je ne répondais pas, je détournais la conversation, ou je changeais de pièce. Je ne savais que mentir altruiste, mentir pour ne pas blesser autrui. Continuer la lecture de Paris-Londres