Archives de catégorie : 2010 et après

poèmes récents

dépendant / je bois / nevershow / puzzle

dépendant

Mon pneumologue est un abruti arrogant. Il faut arrêter de fumer dit-il toutes les cinq minutes. Il n’a rien de plus intéressant à proposer et ne se rend pas compte. Toute ma vie adulte, tous mes voyages, toutes mes amours et blessures sont parfumés de Marlboro 100s. Et lorsque qu’aujourd’hui je quitte le salon familial pour m’assoir sur le balcon, a-t-il la moindre idée du privilège extraordinaire qu’il y a à pouvoir s’extraire ainsi quelques minutes de la lourdeur quotidienne.

x fois j’ai arrêté. La première semaine est toujours un enfer. Je ne pense qu’à ça, j’ai faim sans cesse, envie de dormir, et dans la rue j’inspire profondément chaque fois que je croise une cigarette allumée. Puis ça va un peu mieux. Et l’ennui s’installe. Je respire et dors mieux, mes aérosols de Ventoline durent plus longtemps, j’ai plus d’argent aussi, et la vie est fade. Je tiens deux semaines ou deux mois puis retourne dans un tabac, sors mes 7 euros, ouvre le paquet soigneusement et la première cigarette est un bonheur absolu, même si la tête tourne un peu…
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pas à me plaindre

je n’ai pas à me plaindre c’est vrai
si l’on réfléchit bien je n’ai vraiment pas à me plaindre
un boulot passionnant
sans horaire
sans patron
sans petit chef et plutôt bien payé
– mieux payé que tous mes boulots précédents toujours –
un boulot où je choisis quand et avec qui je bosse
et je ne choisis que des personnes que j’apprécie
le boulot franchement
pas de quoi se plaindre Continuer la lecture de pas à me plaindre

il n’y a plus rien – improvisation 3

paris 17 novembre 2015 je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée parce qu’en improvisant on écrit n’importe quoi n’importe comment et on peut blesser des gens aussi blesser des gens qu’on aime et ce n’est vraiment pas ce que je souhaite faire là tout de suite maintenant mais je n’ai pas l’impression d’avoir le choix, si je ne n’écris pas autant crever tout de suite parce que là tout de suite maintenant je n’ai plus rien, je n’ai plus envie de rien, ma carrière des articles des bouquins des colloques des projets faire carrière, oui, rien à foutre, c’est grotesque, dérisoire, mon frère est à dublin et il me dit que ça doit être bizarre paris, il n’arrive pas à imaginer, il m’écrit ça samedi et je lui réponds qu’il n’y a plus de paris, il n’y a plus rien Continuer la lecture de il n’y a plus rien – improvisation 3

années meurtrières

Les années 80 furent meutrières

Lorsque je discute avec mes jeunes camarades et qu’on aborde les années 80, les mêmes formules reviennent sans cesse et dans leurs esprits, les années 80 étaient rigolotes. La musique. Les fringues, les coiffures, les couleurs. Ils et elles ont vingt-cinq ou trente ans et si je leur demande combien de fois ils ont enterré de gens de leur âge, la réponse est souvent zéro, dépasse exceptionnellement l’unité.

On crevait d’ennui en ces années et on préférait se tuer en bagnole ou se pendre à vingt ans et celles et ceux qui passaient entre les gouttes ont pu tranquillement passer à l’héroïne ou au sida. Ce fut un massacre. En 1989, à dix-huit ans, j’avais cinq ami-e-s sous terre et c’était une petite ville tranquille… Continuer la lecture de années meurtrières

d’où je suis et Paris

Lorsqu’aujourd’hui on me demande d’où je viens et que je ne réponds pas par une boutade du style « aucun intérêt, ce qui m’intéresse c’est où je vais », c’est plutôt rare, lorsqu’on me demande d’où je viens donc, je cite Lou Reed et John Cale (Small town, Songs for Drella, 1990) : « Je viens d’une petite ville et quand on vient d’une petite ville, il y a une seule chose à faire, la détester et partir » (There is only one good use for a small town / You hate it and you’ll know you have to leave). Ce que j’ai fait. Ma mère y étant restée, j’y retourne une à deux fois l’an. Au retour, lorsque la banlieue se dessine, pavillons, usines et tours en ordre aléatoire, je recommence à respire et attends Austerlitz avec impatience. Et lorsqu’on me demande si je pourrais vivre ailleurs qu’à Paris, je réponds oui, bien sûr, New York, Tokyo… Continuer la lecture de d’où je suis et Paris

à mon fils

Lettre à mon fils

Salut gamin,

je pense à toi. Je suis saoul, je me sens minable, impuissant, et je pense à toi. Lorsque tu es à mes côtés, je sers à quelque chose. Je suis utile à quelqu’un. C’est compliqué tu sais. Les certitudes, je n’en ai pas des masses. Mais un père doit dire ce qui est bien, ce qui est mal, ce qui vaut la peine d’être creusé et ce qui ne l’est pas et, tous les jours, tous les jours je te le promets, tous les jours je fais de mon mieux. Souvent je m’agace. Soit tu ne veux pas comprendre, soit je ne sais pas expliquer. L’importance de l’écrit. De la lecture. L’exigence grammaticale et orthographique. Le goût du travail bien fait. De l’exercice et de l’entraînement. Je ne sais pas ce que tu deviendras. Je ne sais pas quels seront nos rapports dans dix ou vingt ans. Continuer la lecture de à mon fils

pour solde de tout compte

Tous les textes ci-dessous, classés par ordre chronologique d’écriture, tournent autour de la même personne. Comme il s’agit d’une amie, et pour essayer de conserver un minimum mon équilibre affectif, ce devrait être les derniers textes sur ce sujet.

Déjà trop tôt

tu me manques déjà tu sais
ça fait à peine six heures et j’ai envie de te voir
t’entendre
t’offrir une bière
j’ai enfin compris que je ne prendrai jamais la moindre initiative pour t’attirer dans mes bras
mais je suis lent
c’était évident Continuer la lecture de pour solde de tout compte

tout ce petit cinéma

ça finira bien par arriver
je cesserai d’espérer quoi que ce soit et ce sera plus simple alors
je me coucherai plus tôt
moins ivre
je pourrai lire
m’endormir sans tristesse ni remords
tout ce petit cinéma
lassant
routinier

je ne te regarderai plus partir avec une question me brûlant les lèvres et que je ne t’ai jamais posée
« est-ce que ça te dirait qu’on passe la nuit ensemble ? »
et je ne te la poserai jamais…

il faudrait justifier ensuite et
je n’ai pas grand chose à t’offrir
une nuit de tendresse une à deux fois par an
quelques poèmes sans doute
quelques courriers comme tu n’en as jamais reçu
pas de quoi se taper le cul par terre
bien entendu tu mérites mieux et tu sais
j’espère vraiment que tu l’obtiendras
juste j’enrage que ce ne soit pas dans mes bras

Oléron, 24 septembre 2015