Archives de catégorie : remix

poèmes écrits entre 1992 et 2001 et plus ou moins retravaillés

La fraude réanimation (premier étage droite)

Elles parlent de leurs enfants du matin au soir et je ne dis rien. Je n’en ai pas. Leurs enfants et leurs maris. Je vis seul, je ne baise plus. La moitié des entrants sont alcooliques et elles en rigolent. Elles ne comprennent pas et jugent. Chaque soir, après le boulot, je passe à l’épicerie du coin acheter mes 2 bouteilles de 12°5, sinon je ne dors pas. Sinon je tremble ou cauchemarde. Je ne dis rien. Je ne vais pas tarder à les haïr et c’est dommage, pour une fois mon travail m’intéresse. Ce n’est pas si fréquent.

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Pour nous

Pour nous ce n’est pas facile tout ça, c’est loin d’être gai. Le monde normal. Niveau d’études à peine secondaire. Troisième plus zéro. Les standardistes. Les aides-soignantes. Les caissières. Les femmes de ménage. Les serveuses. Les contractuelles et les hôtesses téléphoniques. Les CDD à temps partiel, horaires flexibles. Les studios de vingt mètres carrés, pas de baignoire ni de terrasse, pas non plus de cuisine américaine, au mieux l’ascenseur et une concierge, souriante parfois. Continuer la lecture de Pour nous

Pau Lorca (version courte)

Note : si cette maison de retraite paloise a existé, et existe peut-être encore, il va de soi qu’aucun des noms ou prénoms présents dans ce texte de fiction ne correspond à une personne réelle, décédée ou vivante.

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Ça se passait toujours de la même façon. À peine étais-je entré dans le poste de soins pour prendre les transmissions, mon bip sonnait. Chambre 10. Alors, le plus calmement du monde, je l’éteignais. Continuer la lecture de Pau Lorca (version courte)

Paris-Londres

– S’il te plaît mon vieil amour, mon enfant, s’il te plaît tords-moi le sexe tel je te tordais le visage, et je ne trichais pas… Je n’exagère jamais, tu le sais bien. Tu as eu tout le temps de t’en rendre compte et parfois même tu ajoutais, je te connais comme si je t’avais fait et à mon avis, ça ne voulait rien dire, c’était plus stupide que prétentieux mais je ne répondais pas, je détournais la conversation, ou je changeais de pièce. Je ne savais que mentir altruiste, mentir pour ne pas blesser autrui. Continuer la lecture de Paris-Londres

Carte postale

Les voyages se font rêvés les yeux ouverts, les yeux fermés, les voyages se perdent ou ne se font pas, se font mal, ce n’était pas le bon moment, la destination appropriée, et les couples suivent le même chemin, la même trajectoire, les couples ne réfléchissent pas assez, manquent de recul et à ce morceau d’époque, j’appartenais à un couple, je vivais en couple, j’y étais même heureux je pense et les vacances approchaient et nous préparions le départ avec le plus grand soin, soucieux de réussite, de perfection, nous désirions un voyage à la hauteur de l’amour que nous éprouvions ou croyions éprouver l’un pour l’autre, notre premier voyage ensemble car enfin, la semaine à Londres ne comptait pas, nous y étions hébergés chez des amis à elle, là nous partions trois semaines, tous deux seuls, nous en avons rêvées six mois avant, nous les avons préparées deux mois plus tôt, et nous n’en finissons plus aujourd’hui de les regretter, de les haïr presque, de les haïr comme nous nous haïssons l’un l’autre presque.

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ne pas t’écrire / la technique de drague la plus nulle

Ne pas t’écrire. Ne pas t’appeler. Ne pas attendre ton appel. Si le voyant du répondeur ne clignote pas, inutile de vérifier les messages… Ne pas tourner en rond. Ne pas compter les heures. Ne pas boire. Écrire, juste écrire. Écrire pour moi et mes ami-e-s et tu n’en fais pas partie. Un choix qui t’appartient, tu as eu toutes les cartes en main. Faire comme si tu ne comptais plus, comme si tu ne comptais pas. Savoir que tu comptes moins que mes textes. Savoir que tu comptes plus que tout le reste.

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Toi non plus / La ville

Toi non plus

Si j’étais triste mais je ne le suis qu’à moitié. Si j’étais brillant mais ça se saurait. Si ma vie. Si mes phrases. Si l’emphase à laquelle je me raccroche. Si je pouvais changer ce qui cloche. Si tout ce qui encombre. Si tout ce qui détruit. Si tout ce qui grignote l’envie. Si les rencontres où je n’ai pas été à la hauteur. Si tout ce que j’ai perdu sans l’avoir oublié. Si toutes les villes où je n’étais que de passage. S’il me restait douze ou vingt-quatre heures de vie. Si j’en avais assez des si.
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Épilogue

Ne pas se raconter d’histoires, ouvrir les yeux juste. Aspirer le paysage avant que de s’y fondre. Engloutir le monde d’un seul regard. D’un même élan. Essayer toujours. Ce qui sur le papier pourrait réussir et ne réussit pas. Le papier n’était peut-être pas de bonne qualité. Ou alors ce n’était pas le bon jour. Le bon moment. Pour s’endormir, compter les obstacles. Les jours où l’on souhaiterait mourir, les jours où l’on se satisfait de peu. Les jours où l’on espérait mieux. Les nuits égales. Essayer à tour de rôle et à tour de bras et sans jamais montrer la plus petite trace d’ennui, de lassitude. Ne pas non plus raconter d’histoires. Ne pas non plus se la raconter. Tenter l’inédit malgré tout ce qui a déjà été fait ou écrit. Ce qui n’est pas gagné n’est pas gâché pour autant, il convient de s’en persuader même si, et tout le monde le sait, rien n’est jamais assez.

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