Les bérurier sont les rois / en 1983

La bataille de Pali-Kao est l’un des rares albums indispensables que je connaisse, l’un des seuls que j’écoute depuis plus de 20 ans et, toujours, je réagis de la même façon. Quand arrive « Les béruriers sont les rois », je monte le son. Quand arrive la première version de « Lobotomie hôpital », je monte le son encore et il y a longtemps que, sans m’en rendre compte, je hoche la tête avec le sourire, je tape des pieds, j’ai l’impression qu’il ne peut rien m’arriver. Ce qu’ils ont fait après, je respecte mais n’écoute plus depuis longtemps. Si, à la limite, « Porcherie » en live, quand on est saoul et en meute, ça passe, ça défoule mais seul chez soi, ça ne veut plus rien dire. Tandis que « Lobotomie ». Ou « Les bûcherons »…

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Carte postale

Les voyages se font rêvés les yeux ouverts, les yeux fermés, les voyages se perdent ou ne se font pas, se font mal, ce n’était pas le bon moment, la destination appropriée, et les couples suivent le même chemin, la même trajectoire, les couples ne réfléchissent pas assez, manquent de recul et à ce morceau d’époque, j’appartenais à un couple, je vivais en couple, j’y étais même heureux je pense et les vacances approchaient et nous préparions le départ avec le plus grand soin, soucieux de réussite, de perfection, nous désirions un voyage à la hauteur de l’amour que nous éprouvions ou croyions éprouver l’un pour l’autre, notre premier voyage ensemble car enfin, la semaine à Londres ne comptait pas, nous y étions hébergés chez des amis à elle, là nous partions trois semaines, tous deux seuls, nous en avons rêvées six mois avant, nous les avons préparées deux mois plus tôt, et nous n’en finissons plus aujourd’hui de les regretter, de les haïr presque, de les haïr comme nous nous haïssons l’un l’autre presque.

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les moments vides

Quand j’étais seul c’est vrai, c’était plus facile quand même. Pas au niveau financier, sentimental ou sexuel, là non, c’était le plus souvent laborieux. À l’occasion, cela devenait n’importe quoi… Il y avait les moments vides et eux manquent à l’appel. C’est vrai aussi, il n’y avait pas internet… Pas de jeux en ligne ou de Facebook. Pas de site d’actualités plus ou moins payants. De sites de photos, de vidéos, de musique, il n’y avait rien et je n’avais pas non plus de télévision… Une radio juste. Une chaîne de qualité moyenne. Un vieil ordinateur et des piles de bouquins dans le couloir. Alors trouver du temps à ne rien faire ou bien n’importe quoi était plus facile, oui. Continuer la lecture de les moments vides

Adulte hôtel – dernière partie

[suite de l’épisode précédent]

56. On s’habitue à tout c’est vrai. Le bruit et la crasse. Les insectes. Les toilettes au lavabo. Les rapports de force avec les proprios. Demain promis je vous règle. Le virement arrive. Demain promis. Vous avez dit ça hier déjà. Vous devez tant. Vous les aurez, vous les aurez… Combien de fois ai-je eu envie de les frapper l’une et l’autre ? Combien de fois ai-je fantasmé leur exécution ? Tous les jours sans doute entre mars et octobre 1996. Thierry les appelait les Thénardier. Cela faisait dix ans qu’il habitait ici. Il me racontait des horreurs sur eux. Comment ils avaient forcé une jeune à se prostituer pour payer le loyer. Comment si le ou la locataire les ennuyait, ils visitaient la chambre et dérobaient quelques objets, ou changeaient une serrure, mais si voyons, nous vous avions prévenu. Il inventait peut-être.

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Adulte hôtel – troisième partie

[suite de l’épisode précédent]

41. J’ai appelé mademoiselle m. en octobre 1996. Nous ne nous étions pas vus depuis mars. Je n’ai pas osé laisser de message sur le répondeur. Puis elle a déménagé. J’ai récupéré son adresse et lui ai écrit au printemps 1997. Elle n’a pas répondu. Souvent je la voyais dans la rue. Ce n’était jamais elle. En septembre 1997, je l’ai revue à la grande halle de la Villette. Elle était avec un homme. Elle est venue me voir. M’a dit que ce n’était pas utile que je lui écrive. Qu’elle était avec quelqu’un d’autre maintenant. Que c’était fini. Je n’ai rien trouvé d’intelligent à répondre, je suis allé pleurer mes bières sur la pelouse. Et j’ai cessé de lui écrire. Je n’ai pas cherché à l’appeler. Je l’ai googlée l’année dernière : elle est retournée vivre en Bretagne, elle s’est mariée. Et voilà. Je ne souhaite pas la revoir. Je n’ai rien oublié de ma vie avec elle. Je sais tout ce que je lui dois. Elle ne peut imaginer à quel point je m’en veux pour tout le mal que je lui ai fait. C’est très banal tout ça. Ça arrive tous les jours. Et voilà.

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ne pas t’écrire / la technique de drague la plus nulle

Ne pas t’écrire. Ne pas t’appeler. Ne pas attendre ton appel. Si le voyant du répondeur ne clignote pas, inutile de vérifier les messages… Ne pas tourner en rond. Ne pas compter les heures. Ne pas boire. Écrire, juste écrire. Écrire pour moi et mes ami-e-s et tu n’en fais pas partie. Un choix qui t’appartient, tu as eu toutes les cartes en main. Faire comme si tu ne comptais plus, comme si tu ne comptais pas. Savoir que tu comptes moins que mes textes. Savoir que tu comptes plus que tout le reste.

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Adulte hôtel – première partie

[Adulte hôtel est une longue nouvelle publiée ici en épisodes. Le texte complet est disponible en téléchargement ici. Elle se déroule en 1995-1996 à Levallois-Perret, ancienne ville ouvrière devenue célèbre dans les années 90 pour avoir été l’une des premières à se doter d’un système de vidéosurveillance et d’une police municipale  (l’œuvre d’un nommé Balkany). Rappelons qu’à ce moment du siècle dernier, portables et accès internet sont rares…]

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Adulte hôtel – deuxième partie

[suite de l’épisode précédent]

19. Lorsque j’ai appris le loyer de la chambre, je n’en suis pas revenu. 2500 francs par mois (450 euros). La mairie a payé les deux premiers. Puis ils-elles m’ont dit qu’ils-elles allaient cesser. Ou c’est moi qui leur ai demandé d’arrêter je ne sais plus. C’était quand j’étais fou. Ça a duré dix jours. Puis il a fallu trouver du travail pour trouver l’argent pour payer le loyer. Et devenir adulte donc.

20. Lorsque je vivais chez mademoiselle m., nous ne payions que les factures. L’appartement lui était prêté par son oncle. Et auparavant, en foyer, à la fac, je payais entre 300 et 400 francs par mois. Et souvent je touchais l’allocation logement. C’était facile.

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