sur le Velvet et Lou Reed

Entre 1987 et 1993, le Velvet Underground est le groupe que j’ai le plus écouté. Le seul groupe, avec les Pixies et Noir Désir, dont j’avais pu me constituer l’intégrale (je rappelle qu’avant l’internet et dans une petite ville de province, c’était loin d’être facile..). Et j’avais beau me reconnaître dans les Contre-feu de Michka Assayas*, je ne le suivais plus lorsqu’il opposait les Beach Boys (en réalité le seul Brian Wilson), authentiques défricheurs, au Velvet considéré comme une bande de poseurs sans talent. Le Velvet est le seul groupe sur lequel j’ai lu des ouvrages. J’ai fantasmé ce groupe des nuits entières et aujourd’hui encore, je frissonne chaque fois que j’écoute Heroin. Et lorsqu’en 1990 le groupe se reforme plus ou moins par hasard à la Fondation Cartier, j’ai regretté des semaines et des mois entiers de n’avoir pas été là – partir à Paris s’imposait de plus en plus comme la seule option viable et vivable. Et une de mes toutes premières sorties parisiennes sera à l’American Center une projection de courts métrages d’Andy Warhol dont plusieurs où joue le Velvet. Continuer la lecture de sur le Velvet et Lou Reed

I’ll be fine…

et je n’arrive plus à parler et je n’arrive plus à sourire et je n’arrive plus à jouer comme il conviendrait la comédie du père du mari du chercheur et je prends mes petites pilules roses matin midi et soir et je ne prends plus d’alcool parce que déjà je dors quatorze à quinze heures par jour et il me faut une à deux heures pour émerger avant de ressombrer de suite et ça commence à agacer ma femme et ça commence à inquiéter mon fils jamais ils ne m’ont vu comme ça et j’aimerais expliquer mais je ne peux pas tout dire je sais juste que je suis détruit cela fait très exactement quinze jours que je suis détruit Continuer la lecture de I’ll be fine…

Patriarcat, pulsions et pilules roses

Essai de réponse à une amie qui ne comprend pas pourquoi j’en veux aux hommes. Puis ça dérape…

Lorsqu’il m’a demandé si j’avais des pulsions suicidaires, oui, je crois que c’est l’expression qu’il a utilisée, il n’a pas parlé d’envie de mourir ou d’envie de mettre fin à mes jours, il a parlé de pulsions suicidaires, et au pluriel, comme si on pouvait souhaiter mourir plusieurs fois et j’ai spontanément répondu non mais c’est parce que la question était mal posée. Les pulsions sont ce qu’il y a de pire en nous. Les pulsions masculines – dont je ne crois pas dix secondes qu’elles soient innées, naturelles ou universelles mais dont je sais au contraire qu’elles sont des constructions sociales qui se maintiennent d’autant plus facilement qu’elles profitent aux hommes et confortent leur domination – sont le viol et la violence. Et l’ambition n’est guère qu’une forme domestiquée de ces pulsions dans la mesure où la réussite professionnelle élargit le champ possible des conquêtes sexuelles – que l’on parle de conquête n’est pas anodin, il y a les chasseurs d’un côté et les proies, la viande de l’autre – et rend socialement acceptable le mépris de classe le plus abject. Continuer la lecture de Patriarcat, pulsions et pilules roses

il n’y a plus rien – improvisation 3

paris 17 novembre 2015 je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée parce qu’en improvisant on écrit n’importe quoi n’importe comment et on peut blesser des gens aussi blesser des gens qu’on aime et ce n’est vraiment pas ce que je souhaite faire là tout de suite maintenant mais je n’ai pas l’impression d’avoir le choix, si je ne n’écris pas autant crever tout de suite parce que là tout de suite maintenant je n’ai plus rien, je n’ai plus envie de rien, ma carrière des articles des bouquins des colloques des projets faire carrière, oui, rien à foutre, c’est grotesque, dérisoire, mon frère est à dublin et il me dit que ça doit être bizarre paris, il n’arrive pas à imaginer, il m’écrit ça samedi et je lui réponds qu’il n’y a plus de paris, il n’y a plus rien Continuer la lecture de il n’y a plus rien – improvisation 3

années meurtrières

Les années 80 furent meutrières

Lorsque je discute avec mes jeunes camarades et qu’on aborde les années 80, les mêmes formules reviennent sans cesse et dans leurs esprits, les années 80 étaient rigolotes. La musique. Les fringues, les coiffures, les couleurs. Ils et elles ont vingt-cinq ou trente ans et si je leur demande combien de fois ils ont enterré de gens de leur âge, la réponse est souvent zéro, dépasse exceptionnellement l’unité.

On crevait d’ennui en ces années et on préférait se tuer en bagnole ou se pendre à vingt ans et celles et ceux qui passaient entre les gouttes ont pu tranquillement passer à l’héroïne ou au sida. Ce fut un massacre. En 1989, à dix-huit ans, j’avais cinq ami-e-s sous terre et c’était une petite ville tranquille… Continuer la lecture de années meurtrières

d’où je suis et Paris

Lorsqu’aujourd’hui on me demande d’où je viens et que je ne réponds pas par une boutade du style « aucun intérêt, ce qui m’intéresse c’est où je vais », c’est plutôt rare, lorsqu’on me demande d’où je viens donc, je cite Lou Reed et John Cale (Small town, Songs for Drella, 1990) : « Je viens d’une petite ville et quand on vient d’une petite ville, il y a une seule chose à faire, la détester et partir » (There is only one good use for a small town / You hate it and you’ll know you have to leave). Ce que j’ai fait. Ma mère y étant restée, j’y retourne une à deux fois l’an. Au retour, lorsque la banlieue se dessine, pavillons, usines et tours en ordre aléatoire, je recommence à respire et attends Austerlitz avec impatience. Et lorsqu’on me demande si je pourrais vivre ailleurs qu’à Paris, je réponds oui, bien sûr, New York, Tokyo… Continuer la lecture de d’où je suis et Paris

à mon fils

Lettre à mon fils

Salut gamin,

je pense à toi. Je suis saoul, je me sens minable, impuissant, et je pense à toi. Lorsque tu es à mes côtés, je sers à quelque chose. Je suis utile à quelqu’un. C’est compliqué tu sais. Les certitudes, je n’en ai pas des masses. Mais un père doit dire ce qui est bien, ce qui est mal, ce qui vaut la peine d’être creusé et ce qui ne l’est pas et, tous les jours, tous les jours je te le promets, tous les jours je fais de mon mieux. Souvent je m’agace. Soit tu ne veux pas comprendre, soit je ne sais pas expliquer. L’importance de l’écrit. De la lecture. L’exigence grammaticale et orthographique. Le goût du travail bien fait. De l’exercice et de l’entraînement. Je ne sais pas ce que tu deviendras. Je ne sais pas quels seront nos rapports dans dix ou vingt ans. Continuer la lecture de à mon fils

consommation (improvisation 2) / société marchande

Le principe est le même que la dernière fois et comme la dernière fois, femme et enfant sont au cinéma pour un mauvais film encore, américain cette fois-ci, les mauvaises comédies françaises ça va bien cinq minutes mais il ne faut pas en abuser. Écrire d’une traite sur un sujet qui me poursuit depuis quelques mois ou davantage et que je n’ai jamais pris la peine de coucher sur le papier, écrire d’une traite puis retravailler la bricole autant qu’il le faudra et quand ça tient à peu près la route, balancer en ligne pour les quelques personnes que ça peut intéresser. Et dans la rubrique Fatras qui, je le rappelle, est la seule à pouvoir être qualifiée d’autobiographique sur ce blog. Il est donc normal qu’elle soit peu fournie, ma vie est une matière pauvre – je n’aime rien tant que les habitudes, et puis lire, et écrire. Continuer la lecture de consommation (improvisation 2) / société marchande

brèves et fatras 1992-2000

L’hébergement gratuit sur internet suppose que les données déposées sont destinées à être commercialisées sans que l’on sache comment – et ça m’ennuie. La plupart des bricoles parues sur le micro-blog brèves & fatras – textes minuscules et notes en vrac sont ici, et .

rien n’est plus sinistre au monde qu’une boîte aux lettres vide de tous les courriers amoureux avortés
sinon peut-être
en format A4 sur papier glacé
la semaine Halloween à Leclerc
et la facture d’électricité que je ne pourrai pas payer cette semaine Continuer la lecture de brèves et fatras 1992-2000